Ils ont voulu briser la France par le fer, la peste et la ruine.
Mais c’est dans la tempête que naît la force des nations solides et la France en fit la preuve.
LE ROYAUME EN LAMBEAUX : UNE FRANCE QUI SE BAT POUR SA SURVIE
Quand Jean II revient d’Angleterre à l’hiver 1360, la France n’est plus qu’une ombre. Le roi, capturé à Poitiers, a dû négocier sa libération contre une rançon colossale : trois millions de livres tournois, l’équivalent de 12,5 tonnes d’or. La monarchie est exsangue, et l’héritage politique des règnes précédents a laissé une économie brisée par un siècle de manipulations monétaires et de guerres incessantes.
Depuis les premières campagnes de Philippe le Bel, l’État n’a cessé d’utiliser la monnaie pour financer ses ambitions militaires. Les mutations, dévaluations, réévaluations et tirages douteux ont sapé la confiance du peuple. La guerre de Cent Ans, la peste, la famine et l’effondrement des défenses du royaume ont achevé d’enfoncer la France dans une crise totale.
Les campagnes brûlent, les villes se vident, les armées anglaises progressent. Les soldats démobilisés terrorisent les provinces. Les paysans, poussés à bout, se soulèvent lors de la Jacquerie. À Paris, Étienne Marcel se dresse contre l’autorité royale. Tout semble vaciller. Le peuple exige une monnaie stable, une autorité forte, une souveraineté restaurée.
Dans ce contexte de chaos, Jean II doit agir. À Compiègne, le 5 décembre 1360, il signe trois ordonnances destinées à remettre le royaume sur ses rails : nouvelles taxes, généralisation de la gabelle, impôt direct sur les foyers… et surtout, la création d’une nouvelle monnaie.
Une monnaie forte. Une monnaie nationale. Une monnaie de souveraineté.
LE FRANC : LA MONNAIE D’UN ROI LIBÉRÉ ET D’UN ROYAUME QUI SE REDRESSE
Pour payer sa rançon, mais aussi pour rétablir la stabilité monétaire, Jean II crée le franc, une pièce d’or au titre irréprochable, équivalente à une livre tournois. Son nom renvoie à la fois à la libération du roi « franc et délivré à toujours » et à la volonté d’offrir une monnaie franche, c’est-à-dire pleine, solide, non affaiblie par les manipulations du passé.
Le franc à cheval, frappé à 24 carats, pèse 3,885 g d’or pur. Il rivalise directement avec le florin italien, alors référence internationale. Le message politique est limpide : la France cesse d’être tributaire des monnaies étrangères. Elle retrouve sa place dans le commerce européen.
Plus encore, elle retrouve son honneur.
Jean II décide d’en finir avec les monnaies féodales, affaiblies et concurrencées par les pièces étrangères. Les anciennes espèces sont fondues. Le florin est marginalisé. Le pouvoir royal réaffirme son monopole : une monnaie, un royaume, un roi. Le franc devient le symbole du retour à l’ordre, à la stabilité, à l’autorité.
Sous Charles V, le franc « à pied » remplace le franc à cheval. Moins de dix pièces circulent désormais dans tout le royaume : un système simple, lisible, solide. L’inflation recule. Le commerce repart. Le peuple retrouve confiance.
Le franc n’est pas seulement une pièce : c’est le renouveau national. Une monnaie forte pour une France qui refuse de sombrer.
HÉRITAGE D’UNE MONNAIE FRANÇAISE : SOUVERAINETÉ, STABILITÉ ET FIERTÉ NATIONALE
Le franc survivra aux rois, aux empires, aux révolutions, aux crises. Il deviendra la monnaie de référence de la France jusqu’au 31 décembre 2001, veille du passage à l’euro. Il franchira les mers et perdurera dans les anciennes possessions françaises d’Afrique et du Pacifique preuve que l’héritage monétaire français demeure un pilier de stabilité.
Qu’il s’agisse du franc CFA, du franc pacifique ou du franc suisse (héritier de l’Union latine), le mot « franc » reste synonyme de valeur, de stabilité, de continuité. Une pièce née dans la guerre et le chaos, mais forgée par une volonté politique ferme : reconstruire une nation forte.
Dans la France du XIVᵉ siècle, le franc incarne la victoire d’un État qui refuse l’effondrement. Une monnaie forte, un symbole d’autorité, un geste d’orgueil national. La preuve qu’un pays se relève quand il choisit l’ordre plutôt que le désordre, la stabilité plutôt que l’instabilité, la souveraineté plutôt que la dépendance.
Le franc reste, aujourd’hui encore, la marque d’une France qui ne plie pas. Une France qui, même dans les heures les plus sombres, garde la force de réaffirmer sa souveraineté et son identité.

















