Face au projet de loi du pays visant à encadrer les établissements de vente et de consommation de kava, les exploitants calédoniens ont décidé de sortir du silence. Ils créent officiellement la Fédération des Artisans du Kava (FAK) et exigent l’ouverture d’une concertation « sans délai ».
Un secteur culturel et économique qui refuse d’être marginalisé
La filière des nakamal, longtemps éclatée et sans reconnaissance administrative, s’organise enfin.
Il fallait que les professionnels parlent d’une seule voix face à un texte qui risque de bouleverser des centaines de vies
explique Thomas Guarese, porte-parole de la nouvelle fédération. Selon le mémorandum transmis aux institutions, les exploitants dénoncent un projet élaboré sans aucune consultation préalable.
On ne peut pas réglementer une filière qui n’existe même pas dans les nomenclatures administratives
rappelle la FAK, pointant l’absence de code APE, de code douanier ou de statistiques économiques.
Ils rappellent également le rôle social et coutumier essentiel des nakamal.
C’est un espace culturel unique, un lieu de socialisation et un vecteur de lien communautaire
souligne la fédération.
Colère contre le numerus clausus et l’assimilation du kava à l’alcool
Le point le plus explosif reste le numerus clausus, qui pourrait entraîner des fermetures massives.
On parle d’une destruction mécanique d’activités familiales si aucune étude d’impact n’est faite
assure le porte-parole. La FAK estime que le texte assimile à tort le kava au régime de l’alcool, une comparaison jugée « injustifiée ».
Le kava n’est pas un stupéfiant, pas une substance dangereuse, pas un psychotrope
rappelle la fédération . Des exploitants interrogés craignent des conséquences immédiates : perte d’emplois, fermeture brutale de commerces et montée du marché informel.
Si on ferme les nakamal, les consommateurs ne disparaîtront pas : ils iront ailleurs, n’importe comment
prévient un gérant de Nouméa.
Une filière invisible administrativement et menacée économiquement
Le mémo insiste sur un point crucial : l’État et les provinces veulent réglementer une activité qui n’existe même pas administrativement.
On nous demande d’appliquer des règles comme si nous étions une filière reconnue, alors qu’aucun outil ne permet de mesurer notre poids réel
déplore la FAK. Les exploitants soulignent aussi leurs difficultés persistantes d’accès au système bancaire.
Nous sommes des entreprises légales, mais traitées comme si nous étions hors du cadre
regrette l’un d’eux.
Le FAK avance ses solutions : une réglementation oui, mais co-construite
Loin d’un rejet du principe de régulation, la fédération propose une feuille de route :
- Une étude d’impact complète sur l’économie, l’emploi et les usages du kava.
« On ne peut pas légiférer à l’aveugle », insiste la FAK . - La création d’un groupe de concertation officiel associant exploitants, gouvernement, CESE, communes et Sénat coutumier.
- La mise en place d’une licence spécifique “KAVA”, adaptée aux usages culturels et non calquée sur les licences alcool.
« La réglementation doit reconnaître nos réalités, pas les nier », explique un exploitant du Nord. - Des mesures transitoires pour protéger les établissements existants.
« On ne peut pas sacrifier des familles sur l’autel d’une réforme précipitée », affirme un membre fondateur de la FAK.
Une fédération qui se veut partenaire, pas opposante
Nous voulons une loi moderne, juste et équilibrée
écrit la FAK , qui dit rester « prête au dialogue » tout en assumant « sa détermination à défendre les établissements, les emplois et la culture du kava ». Désormais structurée, la fédération entend peser dans le débat public et institutionnel dès les prochaines semaines. Les exploitants espèrent une réponse rapide du gouvernement, alors que leur survie économique dépend directement de l’issue des discussions.

















