Deux chiffres suffisent à résumer l’année 2024 : un commerce extérieur en net recul et une économie calédonienne fragilisée jusqu’à l’os.
Derrière les tableaux statistiques, c’est un modèle économique dépendant, vulnérable et brutalement ralenti qui apparaît.
Un effondrement des échanges qui révèle un ralentissement économique profond
L’année 2024 marque une rupture nette dans la dynamique des échanges extérieurs de la Nouvelle-Calédonie.
Selon la synthèse annuelle publiée par l’Isee, les importations tombent à 251 milliards de F.CFP, soit –29 % en un an, tandis que les exportations chutent encore plus brutalement, à 138 milliards de F.CFP, enregistrant une baisse de 41 %.
Le taux de couverture des importations par les exportations s’effondre à 55 %, contre 67 % en 2023 et 75 % en 2022, année pourtant exceptionnelle.
Autrement dit, la Nouvelle-Calédonie achète toujours plus qu’elle ne vend, mais avec une capacité de financement externe en net recul.
Ce repli n’est pas un simple ajustement conjoncturel. Il traduit une économie à l’arrêt, frappée par la chute de l’investissement, l’effondrement de la demande intérieure et une crise industrielle majeure.
Si le déficit commercial reste élevé (–113 milliards de F.CFP), il se réduit légèrement par rapport à 2023, non par regain de compétitivité, mais parce que l’économie importe moins faute d’activité.
Des importations en forte baisse : symptôme d’une économie qui décroche
La contraction des importations constitue l’un des signaux les plus inquiétants de l’année 2024.
Avec une baisse de 35 % par rapport au pic historique de 2022, 2024 figure parmi les années les plus faibles des vingt dernières années, en valeur comme en volume.
Le choc est particulièrement visible à partir du mois de mai, avec une chute brutale et durable des importations, qui se rapprochent, en fin d’année, des niveaux observés au milieu des années 2000.
Les postes traditionnellement moteurs sont tous touchés :
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Combustibles minéraux : –42 % en valeur, conséquence directe du ralentissement industriel
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Machines et matériels de transport : –30 %, révélant l’effondrement de l’investissement
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Produits manufacturés de base : –34 %, signe d’une activité productive atone
Contrairement à certains discours idéologiques, cette baisse ne résulte pas d’une transition énergétique maîtrisée, mais d’une économie privée de carburant faute de production.
La consommation énergétique finale recule de 33 %, et les besoins en énergie primaire chutent de 45 %, notamment en raison de l’arrêt ou du fonctionnement dégradé des sites industriels.
Sur le plan géographique, l’Europe redevient le premier fournisseur, représentant 43 % des importations, avec la France hexagonale, à elle seule, à 25 %, confirmant le rôle central de la métropole dans l’approvisionnement du territoire.
Exportations : le nickel s’effondre et entraîne toute l’économie
Le recul des exportations en 2024 porte un nom : le nickel.
Ce secteur représente 88 % de la valeur totale des exportations, et son effondrement entraîne mécaniquement celui du commerce extérieur calédonien.
Après une année 2023 record, les volumes de production sont divisés par deux en 2024, conséquence directe :
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de la fermeture de l’usine du Nord (KNS),
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de l’arrêt prolongé de Prony Resources,
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et des exactions de mai 2024, qui ont paralysé l’accès aux sites miniers et ralenti la SLN.
Les chiffres sont sans appel :
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Minerai de nickel : –49 % en valeur
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Ferronickel : –39 %
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NHC : –53 %
À cela s’ajoute la chute de 22 % du cours mondial du nickel, qui a mécaniquement réduit les recettes, malgré des volumes parfois élevés en début d’année.
À partir de mai, la valeur mensuelle des exportations retombe au niveau de 2009, année noire pour le secteur minier.
Hors nickel, les exportations progressent en apparence, mais restent marginales.
Elles reposent principalement sur la revente de matériels industriels et quelques niches, comme les produits de la mer, dont la hausse ne compense en rien l’effondrement du socle industriel.
Sur le plan géographique, l’Asie capte 83 % des exportations, avec la Chine en tête, confirmant une dépendance extrême à quelques marchés asiatiques, sans véritable stratégie de diversification.
L’année 2024 n’est pas une anomalie statistique : elle confirme l’entrée de la Nouvelle-Calédonie dans une zone de fragilité économique durable.
Derrière la baisse des importations et des exportations, c’est l’absence de diversification, la dépendance au nickel et la vulnérabilité aux chocs internes qui éclatent au grand jour.
Sans redressement industriel, sans sécurisation des sites stratégiques et sans vision économique claire, le commerce extérieur restera le thermomètre d’un territoire à l’arrêt, contraint de subir plutôt que de choisir son avenir.

















