Mardi 16 décembre, à 17h, dans l’amphi 400 du campus de Nouville, la communauté scientifique calédonienne assistera à une soutenance rare par son ampleur et son importance : celle de l’HDR de Delphine Dissard, chercheuse à l’IRD. Un travail de plusieurs années qui, selon ses mots, « cherche à comprendre ce que les archives marines disent de notre avenir climatique ».
Dans un Pacifique au cœur des oscillations océaniques mondiales, cette soutenance s’annonce comme un moment fort pour la recherche régionale.
Les océans, témoins silencieux des bouleversements climatiques
Delphine Dissard s’attaque à un défi majeur : reconstruire les climats du passé grâce aux signatures géochimiques laissées dans les coraux et les foraminifères. Une approche indispensable à l’heure où les données instrumentales restent limitées.
Le Pacifique enregistre des signaux climatiques uniques, mais nous ne disposons que d’un siècle de mesures directes
rappelle la chercheuse, soulignant la nécessité de puiser dans les archives naturelles.
Son travail explore une large palette de traceurs, Mg/Ca, δ18O, δ11B, δ13C, Li/Mg, B/Ca, S/Ca, I/Ca… capables de reconstituer température, pH et chimie de l’eau sur des millions d’années.
Ces signatures nous offrent une lecture continue des variations environnementales du Paléocène à l’Anthropocène
explique-t-elle.
Les zones insulaires tropicales, vulnérables et stratégiques, sont au centre de cette recherche.
Comprendre l’histoire environnementale de ces régions, c’est mieux anticiper leur futur
insiste Delphine Dissard.
Coraux, foraminifères et archives du temps long
L’HDR s’appuie sur des expérimentations en culture, des analyses fines de carottes coralliennes et l’étude de sédiments issus de plusieurs sites du Pacifique.
Chaque échantillon raconte une partie du puzzle climatique
note le directeur de recherche à l’IRD. Ces travaux ont permis d’établir des reconstitutions de haute précision : amplitude des phénomènes ENSO, fluctuations du pH, anomalies thermiques…
Les coraux enregistrent la mémoire des océans, encore faut-il savoir la décoder
souligne un membre du jury.
Delphine Dissard adopte pour cela une approche multi-proxies, combinant plusieurs indicateurs géochimiques pour renforcer la fiabilité des reconstitutions.
C’est cette combinaison qui fait la force de son travail
estime un professeur à l’UNC.
Une nouvelle frontière : relier chimie, climat et biodiversité
La chercheuse ne s’arrête pas à la reconstitution du passé. Sa démarche actuelle vise à comprendre comment les communautés microbiennes associées aux coraux réagissent aux variations environnementales.
Les écosystèmes tropicaux ne disparaissent pas d’un seul coup : ils s’adaptent, résistent ou s’effondrent
explique-t-elle, soulignant l’importance de suivre ces dynamiques.
Cette approche intégrée pourrait devenir un outil majeur pour anticiper l’avenir des récifs, particulièrement menacés par l’acidification et le réchauffement. Takashi Toyofuku, directeur de recherche à la JAMSTEC et membre du jury, salue
un travail qui relie enfin les mécanismes géochimiques aux réponses biologiques
La chercheuse s’appuie sur un réseau international de partenaires : AWI, NIOZ, Université de Sydney, SPC, ZMT, preuve de l’ampleur scientifique de ses travaux.
La Calédonie devient un laboratoire naturel pour comprendre les tropiques
Quels traceurs géochimiques pour quelles informations climatiques ?
- Mg/Ca → Température de l’eau
- δ18O → Précipitations & salinité
- δ11B → pH et acidification
- B/Ca → Chimie du carbone dissous
- Li/Mg → Variabilité thermique profonde
À l’heure où le Pacifique subit des mutations rapides, les travaux de Delphine Dissard apportent des clés scientifiques essentielles. Son HDR ne se contente pas de regarder le passé : elle trace un chemin pour comprendre l’avenir environnemental de la région. Comme elle le résume,
si nous voulons anticiper les crises, nous devons d’abord écouter ce que l’océan nous dit depuis des millénaires


















