À Nouméa, l’économie vacille, les importations explosent et l’État-providence local montre ses limites.
Face à l’impasse, certains élus osent enfin poser une question que beaucoup évitaient.
Une délibération pour sortir de l’hypocrisie juridique et économique
Ce lundi 29 décembre 2025, une proposition de délibération relative au plan stratégique visant à la structuration de la filière chanvre a été officiellement déposée sur le bureau du Congrès. À l’initiative de Vaimu’a Muliava, Emmanuelle Khac, Laura Vendegou et Lionnel Brinon, le texte assume une ligne claire : mettre fin à l’ambiguïté politique entre chanvre agricole et cannabis stupéfiant.
Le constat est sans appel. Le CBD, composant non psychoactif du chanvre, est légal en France et strictement encadré par un seuil de THC inférieur ou égal à 0,3 %, reconnu au niveau international. En Nouvelle-Calédonie, pourtant, le cadre reste flou, incohérent et pénalisant, favorisant les importations incontrôlées au détriment d’une production locale maîtrisée.
La délibération ne crée pas un « laxisme cannabique », comme certains le caricatureront. Elle pose, au contraire, les bases d’un cadre légal, sanitaire et douanier rigoureux, distinguant clairement le chanvre agricole du cannabis stupéfiant, avec monopole public sur les autorisations, traçabilité obligatoire, contrôles renforcés et audits annuels. Une approche d’ordre, pas de permissivité.
Une filière agricole stratégique pour la souveraineté et l’emploi
Derrière le débat idéologique, le texte assume une ambition économique frontale. La Nouvelle-Calédonie traverse une récession historique, avec un PIB en chute libre, une agriculture marginalisée et une dépendance chronique aux importations. Dans ce contexte, le chanvre apparaît comme une culture de diversification crédible, à haute valeur ajoutée.
Le plan stratégique 2026-2030 fixe six objectifs structurants, dont la structuration de la production agricole, la création d’un outil de transformation local et la mise en place d’un contrat de filière garantissant gouvernance, volumes, qualité et débouchés. L’enjeu est clair : capter localement la valeur, créer des emplois durables, sécuriser les agriculteurs et réduire la dépendance extérieure.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le marché mondial du chanvre, estimé à 9,47 milliards de dollars en 2024, pourrait atteindre près de 48 milliards d’ici 2032. Refuser d’y entrer, c’est accepter le déclassement économique. Le texte insiste sur la transformation locale comme condition non négociable, afin d’éviter une filière d’exportation brute sans bénéfice réel pour le territoire.
Dans une logique assumée de souveraineté économique, les aides publiques seraient conditionnées à la valeur ajoutée produite en Nouvelle-Calédonie, avec des mécanismes antidumping sur les produits importés. Une vision pragmatique, loin des dogmes libéraux hors sol.
CBD médical, santé publique et lutte contre les addictions : une approche d’autorité
Contrairement aux fantasmes, le projet ne banalise pas le cannabis. Il le combat. Le texte affirme que le cannabis contenant du THC est un facteur aggravant majeur de délinquance, de violences et d’échec social, notamment chez les jeunes. Les données sanitaires locales confirment une prévalence élevée de la consommation, bien supérieure à celle de l’Hexagone.
Face à cela, la proposition défend une approche structurée : valoriser le CBD et le CBG à usage médical, dans un cadre scientifique strict, sous contrôle des autorités sanitaires, avec absence de THC détectable, distribution encadrée et interdiction de tout marketing médical sauvage.
Le plan prévoit la création d’un comité scientifique, des études cliniques pilotes et une intégration mesurée du CBD dans des stratégies de réduction des addictions, notamment à l’alcool et aux anxiolytiques. Là encore, la ligne est claire : prévenir, encadrer, contrôler, sans jamais confondre soin et récréation.
Enfin, un volet entier est consacré à la prévention auprès des jeunes, avec des modules éducatifs explicitement intitulés « Chanvre ≠ Cannabis », pour casser les amalgames et restaurer une parole publique crédible. Une démarche d’autorité éducative, pas de complaisance.
Cette proposition de délibération agit comme un révélateur politique. Soit la Nouvelle-Calédonie continue à subir, à importer et à interdire sans stratégie, soit elle assume une ligne de responsabilité, d’ordre et de souveraineté. Structurer la filière chanvre, ce n’est pas céder à l’idéologie : c’est choisir la cohérence, l’économie réelle et la protection de la jeunesse. Le Congrès est désormais face à ses responsabilités.
















