La crise ophtalmologique calédonienne n’est plus une inquiétude : c’est une urgence territoriale.
Et pendant que les rendez-vous s’accumulent, une profession pourtant prête à agir reste sous-utilisée : les opticiens-lunetiers.
Le territoire face à un goulet d’étranglement inédit
La Nouvelle-Calédonie traverse une crise sanitaire dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Les chiffres sont brutaux : seulement dix ophtalmologistes pour toute la population, soit un spécialiste pour 26 500 habitants. À titre de comparaison, la métropole déjà en souffrance affiche un ratio d’un pour 14 500 habitants. Ici, la situation est deux fois pire, sans marginalité possible, sans marge de manœuvre, sans renfort à court terme.
Les conséquences sont immédiates : délais d’attente de plusieurs mois, refus de nouveaux patients, renoncements aux soins, enfants pénalisés dans leur scolarité, conducteurs mal corrigés sur les routes, personnes âgées perdant en autonomie, et praticiens au bord de l’épuisement. La santé visuelle devient un luxe alors qu’elle relève du strict minimum sanitaire.
Le constat est implacable : former un ophtalmologiste exige douze années. Même avec les meilleures volontés politiques, la pénurie durera au moins une décennie. Faire semblant de l’ignorer serait une faute.
C’est là qu’intervient la proposition défendue par le Syndicat des Opticiens-Lunetiers de Nouvelle-Calédonie : associer les opticiens aux médecins généralistes pour prendre en charge une partie du parcours visuel. Une solution pragmatique, efficace et immédiatement opérationnelle, loin des incantations technocratiques habituelles.
Les opticiens-lunetiers : une force de proximité que la Calédonie n’utilise pas
Le réseau des opticiens-lunetiers calédoniens compte trente magasins répartis sur l’ensemble du territoire. Ce maillage n’est pas théorique : il est réel, physique, déjà en place, déjà opérationnel. Ce réseau constitue la seule filière capable d’absorber rapidement une partie de la demande, sans sacrifier la sécurité ni la qualité des soins.
Le rôle proposé est clair :
– accompagner les généralistes pour les dépistages simples ;
– assurer la prise en charge rapide des corrections visuelles ;
– intervenir en première ligne pour désengorger les cabinets d’ophtalmologie.
Ce modèle, soutenu par la Fédération des Professionnels de la Santé de Nouvelle-Calédonie (FPLS), repose sur une logique de service public : utiliser des compétences locales, certifiées, encadrées, pour maintenir l’accès aux soins.
Contrairement à ce que certains avancent encore, les opticiens ne cherchent pas à remplacer les ophtalmologistes. Ils cherchent à préserver leur capacité d’expertise en leur retirant une partie de la charge inutile qui les submerge. Moins de sursollicitation, plus de temps médical pour les pathologies lourdes : une répartition rationnelle et responsable.
Dans un territoire où les distances compliquent déjà l’accès aux soins, refuser cette option reviendrait à abandonner une partie de la population.
Une rencontre décisive avec le cabinet de Claude Gambey : cap sur une solution de terrain
Ce mercredi 5 novembre, le Syndicat des Opticiens-Lunetiers a rencontré le cabinet de Claude Gambey, membre du gouvernement en charge de la Santé. Cette réunion qualifiée de « constructive » par les participants marque un tournant : la proposition d’un binôme médecins généralistes / opticiens-lunetiers a été présentée en détail et accueillie avec attention.
L’objectif est simple : bâtir un parcours optique sécurisé, robuste, fondé sur des échanges fluides entre professionnels et sur une répartition claire des responsabilités.
Un parcours qui permettrait :
– de réduire drastiquement les délais d’attente ;
– d’améliorer l’accès aux soins sur toutes les communes ;
– d’éviter les renoncements qui explosent depuis deux ans ;
– de redonner souffle aux ophtalmologistes épuisés par la surcharge.
Le soutien affirmé de la FPLS a également pesé dans les discussions. La fédération défend depuis longtemps une vision équilibrée : rapprocher la santé des citoyens en s’appuyant sur les professionnels déjà implantés.
Dans un contexte où les pénuries médicales s’accélèrent, cette orientation n’est pas seulement pertinente : elle est indispensable. Ne rien faire serait irresponsable. Agir avec les opticiens, c’est protéger immédiatement la santé visuelle de 265 000 Calédoniens.
Le syndicat a tenu à remercier le cabinet de M. Gambey pour son écoute, rappelant que la santé publique ne s’améliore pas par les slogans, mais par la coopération et la responsabilité.
Ce dossier révèle une tension essentielle : entre immobilisme administratif et solutions de terrain, il faut choisir. La situation ne laisse plus de place aux postures. Avec seulement dix ophtalmologistes pour tout un territoire, la Calédonie ne peut plus se payer le luxe de l’attentisme.
Les opticiens-lunetiers proposent une voie immédiatement applicable, économiquement soutenable, géographiquement pertinente et socialement juste. Une solution assumée : efficace, concrète, centrée sur le service rendu, loin des polémiques stériles.
Face à la pénurie qui va durer au moins dix ans, c’est le seul choix crédible, la seule réponse responsable, la seule manière de garantir ici et maintenant un accès digne aux soins visuels.















