La Nouvelle-Calédonie s’apprête à tourner la page de 2025. Mais avant même que l’année ne s’achève, une vérité s’impose : le territoire n’a toujours pas tiré les leçons du chaos économique consécutif aux émeutes de mai 2024.
Et pourtant, malgré une économie exsangue, l’administration continue d’accorder des jours fériés à la chaîne, comme si la crise n’avait jamais existé.
Un territoire à genoux qui aurait mérité un sursaut de responsabilité
Après l’insurrection du 13 mai 2024, l’économie néo-calédonienne a été littéralement dévastée. Plus de 900 entreprises incendiées, des milliers d’autres fragilisées, et un tissu productif amputé de pans entiers. À la fin 2024, près de 13 000 personnes étaient indemnisées au chômage, tandis que des milliers de travailleurs indépendants vivaient dans une détresse rarement vue depuis 30 ans.
Dans ce contexte, beaucoup espéraient que 2025 marquerait un tournant. Que le gouvernement local, en coordination avec le Haut-Commissariat de la République, enverrait enfin un message de rigueur et de solidarité envers le secteur productif. Et surtout, cette année noire aurait dû mettre un terme aux excès d’un calendrier administratif souvent hors-sol, avec des ponts à répétition qui plombent encore davantage la compétitivité du pays.
Il n’en fut rien. Ce long week-end lié aux commémorations du 11 novembre en est l’illustration parfaite : quatre jours d’arrêt pour l’administration, les banques, l’enseignement, et même plusieurs entreprises publiques stratégiques. Autrement dit, une pause supplémentaire dans un pays qui n’a objectivement plus les moyens de s’offrir le moindre ralentissement.
Alors que le secteur privé travaille pour sauver ce qui peut encore l’être, une partie de la fonction publique multiplie les journées chômées. Un contraste saisissant et, pour beaucoup, profondément choquant.
Une fonction publique privilégiée alors que les caisses publiques sont en ruine
Depuis plusieurs mois, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise budgétaire d’une gravité historique. En deux ans, les recettes fiscales ont plongé de 54,5 milliards de francs, soit 10,3 milliards de plus que les prévisions initiales du budget primitif 2025.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
– 3,5 milliards de moins en TGC,
– 4,5 milliards en moins d’impôt sur les sociétés,
– 2 milliards en moins d’impôt sur le revenu des valeurs mobilières.
Ces baisses ne sont pas le fruit du hasard. Elles reflètent l’absence complète de relance économique depuis les émeutes. Le pays ne produit plus assez, n’exporte plus assez, et peine à attirer les investissements. Bref, l’économie tourne au ralenti, très loin de ce qu’exigerait une reconstruction rapide.
Et dans ce contexte catastrophique, voir la fonction publique empiler les jours fériés dont cinq ponts en 2025 relève, pour beaucoup, de l’indécence. Cinq semaines de trois jours, financées par des caisses publiques déjà vides. Pendant que les entrepreneurs se battent pour payer leurs salariés et maintenir leur activité, l’administration multiplie les pauses. Le signal envoyé est désastreux : ceux qui financent la machine publique se serrent la ceinture, pendant que ceux qui en vivent se reposent.
Le dernier pont de l’année, le 25 décembre tombant un jeudi, entraînera mécaniquement un jour chômé le 26. Une décision qui ajoute une couche d’incompréhension dans un territoire déjà fracturé.
Le fossé privé-public : le vrai scandale que personne n’ose assumer
Le plus grave, c’est peut-être le symbole. La Nouvelle-Calédonie se divise un peu plus chaque mois entre un secteur public protégé, sanctuarisé, et un secteur privé utilisé comme variable d’ajustement.
Le privé finance.
Le public dépense.
Et lorsque survient une crise majeure, le privé agonise tandis que le public multiplie les avantages.
Pour ce long week-end de novembre 2025, des milliers de salariés du privé travaillent, parfois dans des structures fragiles, pour maintenir une activité déjà en pointillé. Pendant ce temps, l’administration ferme ses portes. Une administration qui, rappelons-le, dépend entièrement des recettes générées par ces mêmes entreprises qui n’ont pas droit au moindre répit.
Le manque de solidarité est flagrant. Le message envoyé est terrible : le pays peut bien s’effondrer, les règles ne changent pas. Les habitudes non plus.
C’est un scandale, et un révélateur brutal du déséquilibre qui gangrène la Nouvelle-Calédonie depuis trop longtemps.
Il ne s’agit ni d’opposer les Calédoniens entre eux ni de jeter l’opprobre sur des milliers de fonctionnaires dévoués. Il s’agit de rappeler une évidence simple : sans secteur privé, il n’y a pas de secteur public.
Et aujourd’hui, le privé est en train de tomber. Or au lieu de l’aider, on l’ignore. Pire : on lui impose d’assumer des charges qui ne cessent de croître, tout en finançant des jours chômés dont il ne bénéficie pas.
Le temps des illusions est terminé. Le pays ne pourra pas se relever si chacun ne prend pas sa part d’effort. L’administration doit assumer sa responsabilité. Et cela passe d’abord par la fin d’un modèle où l’on s’accorde des ponts alors que l’économie brûle encore.















