L’État dévoile enfin noir sur blanc ce qu’il compte mettre sur la table pour sauver l’économie calédonienne. Un engagement massif… mais conditionné à des réformes strictes.
Un engagement financier massif mais strictement conditionné
Dans ce courrier adressé aux élus, le Premier ministre détaille l’architecture du pacte de refondation économique conclu à Bougival.
Le principe central est clair : la réciprocité des engagements. L’État met des moyens inédits sur la table, mais la Nouvelle-Calédonie doit en échange mener les réformes indispensables pour retrouver l’équilibre budgétaire et financer elle-même ses compétences à partir de 2030.
L’État annonce jusqu’à 300 M€ (36 milliards de francs CFP) dès 2026, dont une partie pourra être transformée en subventions à condition que les collectivités mènent les réformes exigées.
De 2027 à 2030, un deuxième bloc d’aide, équivalent à 300 M€, soutiendra encore les finances locales, mais ce soutien prendra fin définitivement après 2030.
Au total, l’appui exceptionnel de la France métropolitaine peut atteindre 2,2 Mds€ (264 milliards de francs CFP) sur cinq ans, hors aide spécifique au nickel, encore en négociation.
Une précision importante : rien ne sera signé tant que le budget 2026 n’est pas adopté, comme le rappelle la note manuscrite jointe par Sébastien Lecornu.
Pour Paris, l’heure n’est plus aux chèques sans contrepartie : la Nouvelle-Calédonie doit « assumer seule le financement de l’ensemble de ses compétences » une fois la transition achevée.
Relance économique : zones franches, infrastructures et lutte contre le décrochage
Le pacte se structure autour de cinq piliers, tous orientés vers la reconstruction et la relance.
1. Rendre le territoire plus attractif pour les entreprises
L’État entend soutenir la création de zones franches autour des ports en eau profonde et des aéroports ouverts sur le Pacifique Sud. Celles-ci bénéficieront d’un cadre fiscal simplifié et d’exonérations renforcées.
Autre mesure phare : l’exonération totale d’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 4 M€ (480 millions de francs CFP).
L’objectif est clair : relancer l’emploi privé et restaurer la compétitivité locale.
Le soutien au microcrédit pour les plus petites structures est également intensifié, notamment dans le tourisme, la pêche et les initiatives implantées dans les Îles et les tribus.
2. Un plan d’investissement public de 200 M€ (24 milliards de francs CFP)
Ce programme quinquennal vise à financer :
• le désenclavement du territoire ;
• la sécurité des transports ;
• l’accès à l’eau et à l’électricité dans les communes isolées ;
• la lutte contre l’érosion côtière et les sécheresses.
Ces projets seront sélectionnés et pilotés par l’État, marque d’un contrôle renforcé après des années de dérives locales.
3. Un programme de 70 M€ (8,4 milliards de francs CFP) pour la jeunesse et la lutte contre le décrochage
Sur cinq ans, l’État financera la création :
• d’une compagnie du RSMA dans le Grand Nouméa ;
• de 1 000 postes de service civique ;
• de 100 éducateurs spécialisés pour suivre les jeunes en rupture.
Un tournant assumé : replacer l’autorité, la formation et l’insertion au cœur de la reconstruction sociale.
Le nickel : condition absolue de la survie économique
Le gouvernement est direct : la filière nickel n’est pas soutenable dans son état actuel.
L’État finance chaque année les pertes des usines… et annonce que cela ne pourra plus continuer.
Il fixe une exigence claire : au premier semestre 2026, les autorités locales et les industriels devront présenter un plan de transformation complet visant à :
• rétablir la rentabilité ;
• réduire les coûts énergétiques ;
• décarboner le système électrique ;
• garantir un prix compétitif pour les usines.
L’État promet, sous conditions :
• de financer l’accompagnement transitoire du secteur ;
• de participer au financement des infrastructures énergétiques (dont la STEP de Tontouta) ;
• de soutenir la transition vers un mix énergétique décarboné.
Sans réforme profonde de la filière, aucune aide durable ne sera maintenue.
Le message est limpide : sans nickel rentable, il n’y aura pas de Nouvelle-Calédonie économiquement viable.
En filigrane, un message domine : l’heure des demi-mesures est révolue. Paris met sur la table des moyens historiques, mais exige en retour une refondation totale du modèle économique calédonien. Réformes fiscales, attractivité, infrastructures, jeunesse, nickel : tout devra converger vers un redressement réel et mesurable. L’État promet un soutien massif, mais temporaire. Après 2030, la Nouvelle-Calédonie devra marcher seule.






















