Deux dates, un même choc : la bataille entre Big Tech et un État décidé à reprendre la main.
Et au cœur du bras de fer, une question simple : qui protège vraiment nos enfants ?
Un pays qui assume enfin de protéger ses mineurs, malgré la colère des géants du web
C’est une décision qui a fait l’effet d’une déflagration : depuis le 10 décembre, les réseaux sociaux les plus puissants du monde Facebook, TikTok, Instagram, Reddit, X, YouTube, Snapchat, Threads, Kick, Twitch doivent exclure les enfants australiens de moins de 16 ans.
Une loi claire, ferme, assumée. Une rarissime volonté politique : remettre l’intérêt des mineurs avant le confort des plateformes.
Mais vendredi, Reddit a riposté. Le géant californien a saisi la Haute Cour pour faire invalider ce texte présenté comme une avancée majeure contre les dérives de l’économie numérique.
L’entreprise affirme que la loi viole la liberté implicite de communication politique en Australie et impose des vérifications « intrusives » aux utilisateurs.
Une rhétorique bien rodée, toujours la même : quand un État tente de réguler, Big Tech brandit la liberté d’expression comme un bouclier.
Sauf qu’ici, même Reddit reconnaît partager l’objectif de protection de l’enfance. Simplement, le géant californien refuse que le politique fixe les limites.
Dans un communiqué, la plateforme dénonce des mesures « potentiellement peu sûres » et un risque « d’isoler les adolescents des communautés adaptées à leur âge ».
Un argument qui fait sourire de nombreux observateurs : depuis quand les forums anonymes sont-ils le cœur battant de la socialisation adolescente ?
Le gouvernement, lui, ne cède pas. Anthony Albanese a tranché :
Nous sommes du côté des parents et des enfants, pas des plateformes.
Une position rare dans le monde occidental, trop souvent tétanisé par la puissance des géants américains.
La bataille juridique s’ouvre, mais le gouvernement ne recule pas d’un millimètre
Les faits sont simples : la loi SMMA impose aux plateformes de supprimer les comptes de mineurs de moins de 16 ans.
En cas de non-respect, la sanction est claire : 49,5 millions de dollars australiens d’amende, soit 28 millions d’euros (3,3 milliards de francs CFP).
Pour vérifier l’âge des utilisateurs, plusieurs options existent :
– pièces d’identité (prohibées pour des raisons de confidentialité)
– estimation biométrique via analyse du visage
– inférences à partir des données existantes
Le gouvernement refuse de dicter une méthode : aux plateformes de trouver la solution, puisqu’elles collectent déjà massivement les données personnelles.
Un rappel cinglant : Big Tech n’a jamais eu de scrupules à aspirer nos informations, sauf quand cela sert l’intérêt général.
La commissaire eSafety, Julie Inman Grant, a envoyé dès jeudi des avis contraignants aux plateformes pour obtenir le nombre de comptes d’enfants supprimés.
Elle a prévenu : certaines entreprises attendront leur première amende avant de bouger.
Le gouvernement, lui, prévoit des évaluations tous les six mois. Le bras de fer sera long, méthodique, implacable.
Reddit, malgré son recours, annonce qu’il se conformera quand même à la loi. Une posture paradoxale, presque contradictoire : on attaque une réglementation tout en l’appliquant, façon « je le fais mais je ne l’assume pas ».
Des documents déposés devant la cour montrent que Reddit veut être retiré de la liste des plateformes soumises à restriction.
L’entreprise soutient qu’elle ne devrait pas être assimilée aux réseaux sociaux traditionnels.
Pourtant, ses millions de communautés actives et anonymisées fonctionnent exactement comme… un réseau social.
Fin février aura lieu une première audience préliminaire. Deux recours seront peut-être fusionnés : celui de Reddit et celui du Digital Freedom Project, soutenant deux adolescents de 15 ans.
Encore un classique : Big Tech se cache derrière des mineurs pour défendre ses intérêts.
Les enfants contournent déjà la loi, mais le pays assume : mieux vaut un marché fragmenté qu’un Far West numérique
Sans surprise, les jeunes Australiens cherchent déjà des alternatives.
Les téléchargements de Yope ont explosé de 251 % en quatre jours. Lemon8, application de ByteDance (maison-mère de TikTok), bondit de 88 %.
Les autorités ont immédiatement demandé à ces petits acteurs de s’auto-évaluer : sont-ils, eux aussi, soumis à la loi ?
Si oui, mêmes sanctions, même exigence.
Les experts parlent d’un jeu de « tape-taupes » : un réseau ferme, un autre apparaît.
Mais pour le gouvernement, c’est un pari assumé : un marché fragmenté attire moins les enfants, qui craignent d’être isolés ou exclus par leurs camarades.
Pas de mastodonte, pas d’effet de masse.
En clair : empêcher l’addiction par le simple éclatement de l’offre.
Un raisonnement pragmatique, presque conservateur : on protège en limitant, en encadrant, en ralentissant la machine.
La loi australienne est observée partout dans le monde.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, suivent de près.
Car derrière cette décision, il y a un message clair : les démocraties peuvent encore imposer leurs règles à Big Tech.
Et le débat dépasse l’Australie :
– réseaux sociaux
– liberté d’expression
– protection des mineurs
– vérification d’âge
– puissance des géants du numérique
Le pays assume d’être pionnier, quitte à affronter la colère des plateformes.
Une démarche rare, presque audacieuse, dans un Occident où les États ont trop longtemps reculé devant la puissance de la Silicon Valley.
La question, désormais, est simple : Quel pays osera suivre ?

















