La Papouasie-Nouvelle-Guinée devient un nouveau terrain stratégique de la bataille numérique dans le Pacifique. Google va y construire trois câbles sous-marins à haute capacité, un projet présenté par Port Moresby comme un saut technologique majeur pour le pays, mais dont la portée géopolitique dépasse largement la simple question de connectivité.
L’ensemble de l’opération sera financé par l’Australie, dans le cadre du Pukpuk Treaty, un accord de défense bilatéral qui renforce l’intégration stratégique entre Canberra et Port Moresby à un moment où la Chine accroît sa présence dans la région.
Une infrastructure numérique clé pour un pays stratégique
Selon les autorités papoues, ces nouveaux câbles sous-marins permettront de moderniser le cœur du réseau numérique national, en reliant le nord et le sud du pays, ainsi que la région autonome de Bougainville, grâce à des liaisons à très haut débit.
Le projet, estimé à 120 millions de dollars, est intégralement financé par l’Australie. Le ministre par intérim des Technologies de l’information et de la communication, Peter Tsiamalili, a confirmé que l’investissement s’inscrivait entièrement dans les engagements pris par Canberra au titre du Pukpuk Treaty.
Officiellement, les bénéfices attendus sont multiples : baisse des coûts de l’internet, amélioration de l’accès à l’éducation, soutien à la croissance économique et attractivité accrue pour les grandes entreprises numériques mondiales, notamment les hyperscalers.
Derrière le numérique, un enjeu de sécurité et de défense
Pour les stratèges australiens et américains, la Papouasie-Nouvelle-Guinée occupe une position géographique cruciale, au nord immédiat de l’Australie, dans une zone clé de l’Indo-Pacifique. La maîtrise des infrastructures de communication y est considérée comme un enjeu de sécurité nationale.
Le Pukpuk Treaty ne se limite pas à la coopération civile. Il autorise l’accès du personnel de défense australien aux systèmes de communication papous, y compris les câbles sous-marins et les stations satellitaires. Les États-Unis ont également renforcé leur présence en signant un accord de coopération militaire avec PNG en 2023.
Canberra et Washington multiplient depuis plusieurs années les projets de câbles sous-marins dans le Pacifique, avec un objectif clairement assumé : empêcher Pékin de contrôler les artères numériques régionales, perçues comme un risque stratégique majeur.
La réponse occidentale face à l’offensive chinoise
La question n’est pas théorique. En 2018, le réseau sous-marin domestique de PNG avait été construit par Huawei, avec un financement assuré par un prêt de la banque chinoise EXIM. Un précédent qui continue d’inquiéter les partenaires occidentaux.
Dans ce contexte, le rôle de Google s’inscrit dans une stratégie plus large. Le groupe a récemment annoncé la création d’un hub de données sur l’île australienne de Christmas Island, autre point névralgique de la défense régionale. De nouveaux câbles doivent relier cette base à des villes australiennes abritant des installations militaires utilisées conjointement par l’Australie et les États-Unis.
Google affirme vouloir transformer cette zone en carrefour mondial des flux de données, connecté à un réseau sous-marin de plus de 42 000 kilomètres reliant les États-Unis à l’Asie, avec des extensions prévues vers l’Afrique et l’océan Indien afin de renforcer la résilience des infrastructures internet.
À travers ces projets, la Papouasie-Nouvelle-Guinée se retrouve au cœur d’un bras de fer technologique et stratégique entre puissances. Derrière le discours sur le développement numérique, se dessine une réalité plus brute : le contrôle des câbles sous-marins est désormais un levier central de souveraineté, de sécurité et d’influence dans le Pacifique.

















