La commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances 2026 n’aura duré qu’une poignée de minutes. Vendredi 19 décembre, les sept députés et sept sénateurs réunis à l’Assemblée nationale ont rapidement constaté l’impossibilité totale d’un compromis. Un échec brutal, attendu, et désormais lourd de conséquences pour l’État.
Cet échec rend impossible l’adoption d’un budget avant le 31 décembre. La France bascule donc, par défaut, vers une loi spéciale, un outil constitutionnel de dépannage qui permet d’éviter le chaos administratif, mais qui ne règle rien sur le fond.
Une CMP condamnée d’avance par des fractures politiques profondes
Il n’a pas fallu une demi-heure pour constater l’échec. Les dissensions entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur le budget 2026 étaient trop profondes, trop idéologiques, trop irréconciliables. Les concessions accordées aux socialistes sur le budget de la Sécurité sociale ont cristallisé les tensions.
Les sénateurs de droite ont refusé d’aller plus loin dans ce qu’ils considèrent comme une fuite en avant fiscale : hausse de la pression sur les hauts revenus, surtaxes sur les entreprises, rétablissement de taxes symboliques mais économiquement stériles. Pour eux, céder davantage aurait signifié renoncer à toute crédibilité budgétaire.
Côté gouvernement, la stratégie de l’équilibre politique a montré ses limites. En cherchant à ménager tout le monde, l’exécutif s’est retrouvé sans majorité claire, sans ligne lisible et sans autorité réelle. Résultat : une CMP « non conclusive », actée à huis clos, sans surprise.
Loi spéciale : un filet de sécurité coûteux pour les finances publiques
Face à l’échec, le gouvernement n’a plus qu’une option immédiate : la loi spéciale. Ce texte minimaliste permet de reconduire provisoirement les budgets de l’année précédente et d’assurer la perception de l’impôt, évitant ainsi un « shutdown » à la française.
Mais ce mécanisme a un prix. Aucune économie structurelle, aucune réforme fiscale, aucun levier de redressement. La loi spéciale gèle la situation et laisse filer les comptes. Le déficit public, que l’exécutif espérait ramener sous les 5 %, devient mécaniquement plus difficile à contenir.
Le gouverneur de la Banque de France l’a rappelé sans détour : cette solution n’apporte ni économies ni recettes nouvelles. Elle protège la continuité de l’État, mais affaiblit la crédibilité financière du pays. Une rustine institutionnelle, pas une politique budgétaire.
Un blocage politique durable et des risques démocratiques réels
La loi spéciale ne règle rien sur le fond. Le projet de loi de finances repartira en nouvelle lecture début 2026, sans possibilité de seconde commission mixte paritaire. Autrement dit, le même blocage risque de se reproduire, dans un contexte encore plus tendu, à l’approche des élections municipales.
Le gouvernement refuse, pour l’instant, d’utiliser le 49.3 ou les ordonnances, conscient du risque de censure. Mais cette posture de retenue expose l’exécutif à une autre critique : celle de l’impuissance. Gouverner, c’est choisir. Ne pas choisir, c’est subir.
Certains évoquent des arrangements politiques en coulisses, voire des ordonnances « négociées ». Une perspective qui inquiète de nombreux constitutionnalistes, qui y voient un dévoiement des outils institutionnels et un contournement du débat parlementaire.
Après le PLFSS adopté in extremis, il n’y aura pas de second miracle budgétaire. Le budget de l’État reste bloqué, révélant une réalité brutale : la France est gouvernée sans majorité claire, avec un Parlement fragmenté et un exécutif affaibli.


















