La colère paysanne ne s’éteint pas aux portes de l’Europe. De Paris à Bruxelles, les agriculteurs européens font bloc contre ce qu’ils dénoncent comme une mise en péril organisée de leur survie.
Bruxelles, épicentre d’une colère européenne assumée
À quelques mètres du Parlement européen, la manifestation agricole a viré à l’affrontement symbolique. Des milliers d’agriculteurs venus de toute l’Europe ont convergé vers la place du Luxembourg, entre tracteurs, jets de pommes de terre et slogans hostiles à la Commission européenne. Selon les syndicats, près de 10 000 manifestants étaient présents, dont une forte délégation française.
Les slogans visent directement la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le projet d’accord UE-Mercosur, perçu comme un coup de grâce économique pour plusieurs filières agricoles. Viande bovine, betterave, céréales ou encore éthanol : les agriculteurs dénoncent une concurrence jugée déloyale, sans réciprocité des normes sociales, sanitaires et environnementales.
À cette colère s’ajoute le rejet de la nouvelle PAC et du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), accusé de renchérir le coût des intrants agricoles. Pour beaucoup, la coupe est pleine : pression réglementaire, charges en hausse, revenus fragiles.
Mercosur, PAC : l’Europe accusée de sacrifier ses paysans
La mobilisation bruxelloise révèle une fracture profonde entre les institutions européennes et le monde agricole. Si la France tente de constituer un front du refus, elle reste isolée. L’Italie, en revanche, a récemment infléchi sa position. Le soutien affiché de Giorgia Meloni est salué comme un tournant stratégique, Rome devenant un pays pivot dans ce bras de fer européen.
Du côté français, FNSEA et Jeunes Agriculteurs martèlent le même message : la souveraineté alimentaire européenne est en jeu. À Bruxelles, les prises de parole se durcissent. Certains responsables syndicaux n’hésitent plus à interpeller directement Emmanuel Macron, l’appelant à traduire ses déclarations en actes politiques concrets.
Le report du vote sur l’accord Mercosur, repoussé à janvier, est accueilli comme un répit tactique, mais certainement pas comme une victoire. L’Allemagne, moteur industriel de l’Union, a d’ores et déjà annoncé son intention de signer rapidement l’accord, accentuant le sentiment de déséquilibre au sein de l’UE.
Trêve de Noël sous tension, reprise annoncée en janvier
À Paris, le gouvernement tente d’éteindre l’incendie sans rompre avec Bruxelles. Sébastien Lecornu a reçu les syndicats agricoles, promettant soutien financier, vigilance sanitaire et opposition à l’accord « en l’état ». Une réponse jugée insuffisante par la FNSEA, qui estime que « le compte n’y est pas ».
Sur le terrain, l’appel à une trêve de Noël devrait être respecté, par souci de l’opinion publique et des départs en vacances. Mais personne ne s’y trompe : la colère est simplement mise en pause. Dès janvier, les syndicats préviennent qu’ils reprendront la mobilisation si aucune avancée tangible n’est actée.
Un agriculteur français, joint sur la route du retour depuis Bruxelles, résume l’état d’esprit général : « Rien n’est gagné. On est prêts à tout. » Une phrase qui résonne comme un avertissement politique, à Paris comme à Bruxelles.


















