La Nouvelle-Calédonie n’a plus le luxe de l’inaction budgétaire.
Face à des finances publiques sous tension extrême, le Congrès a tranché.
Une aide au logement sauvée, mais profondément recadrée
Après le débat d’orientation budgétaire, les élus du Congrès se sont réunis pour adopter les derniers textes de l’année. Parmi eux, un projet de loi du pays particulièrement sensible : la réforme de l’aide au logement, annoncée dès août 2025.
L’objectif n’est pas idéologique. Il est strictement financier et structurel : assurer la survie d’un dispositif devenu trop coûteux pour une collectivité aux finances exsangues.
Créée en 2007, l’aide au logement concernait initialement quelques milliers de foyers. En 2025, elle bénéficie à environ 9 600 Calédoniens, pour un coût total de 3,5 milliards de francs CFP. L’aide moyenne mensuelle atteint 42 000 francs par foyer.
À sa création, le dispositif représentait 800 millions de francs. En moins de vingt ans, la dépense a été multipliée par plus de quatre.
Pour le gouvernement, il ne s’agit pas de remettre en cause la solidarité.
L’aide au logement est le premier amortisseur social de la Nouvelle-Calédonie, a rappelé Petelo Sao en séance.
Mais maintenir ce système sans réforme reviendrait, à terme, à condamner l’ensemble de la politique sociale du territoire.
Des règles durcies pour restaurer l’équité et lutter contre la fraude
Le texte adopté introduit plusieurs changements majeurs pour les bénéficiaires.
Premier ajustement : les étudiants ne percevront plus l’aide sur douze mois, mais sur dix. Une prolongation sur l’année complète restera possible, à condition de justifier de besoins réels, notamment dans le cadre de stages ou de situations particulières. Une mesure présentée comme un simple retour au bon sens.
Autre évolution centrale : la prise en compte obligatoire des revenus de toute personne vivant régulièrement au domicile. Jusqu’à présent, près de 40 % des aides étaient versées à des personnes déclarées seules, sans intégration des réalités de cohabitation. Cette faille alimentait mécaniquement l’explosion des dépenses.
La réforme renforce également les sanctions contre la fraude et les fausses déclarations. Les contrevenants encourront désormais une amende pouvant atteindre 500 000 francs CFP, assortie d’une suspension du droit à l’aide pouvant aller jusqu’à deux ans.
Le message est clair : la solidarité n’est pas un droit sans contrepartie.
Concernant les impayés de loyers, le texte introduit une approche graduée.
En cas de première demande, et si le locataire s’engage formellement à rembourser sa dette, le maintien de l’aide restera possible. Une manière de préserver l’accès au logement sans institutionnaliser l’assistanat.
CAFAT, FSH : une gouvernance et un financement profondément remaniés
Au-delà des bénéficiaires, la réforme s’attaque à un problème longtemps évité : le financement chaotique du dispositif.
À l’origine, l’aide au logement reposait sur un cofinancement à parts égales entre la Nouvelle-Calédonie, le Fonds social de l’habitat (FSH) et les trois provinces. Mais dès 2012, ces dernières ont cessé de contribuer, laissant la collectivité compenser seule.
La loi du pays supprime officiellement ce cadre devenu fictif, tout en laissant la porte ouverte à un retour volontaire des provinces.
Surtout, elle permet au FSH de contribuer davantage. Un amendement prévoit que 30 % du « 2 % logement » puissent être affectés à l’aide au logement entre 2026 et 2028, contre 15 % jusqu’ici, sous réserve de validation par le conseil d’administration du Fonds.
Cette mesure a cristallisé les tensions politiques. Les Loyalistes dénoncent une ponction forcée d’un outil destiné à l’accession à la propriété, rappelant que ce 2 % est un acquis historique issu d’un accord entre employeurs et salariés. Pour eux, financer durablement une aide aux loyers revient à maintenir les ménages dans le locatif, au détriment de l’investissement et de la propriété.
Autre changement structurant : le transfert de la gestion de l’aide au logement vers la CAFAT, dans un délai de 18 mois.
Le gouvernement y voit un moyen de faciliter les contrôles et le croisement des données sociales. Une position contestée par une partie de l’opposition, qui estime la CAFAT déjà surchargée.
Retraites CLR : une réforme minimale pour éviter l’effondrement
Dans la même séance, le Congrès a également adopté une délibération concernant la Caisse locale de retraite de la fonction publique.
Les retraités contribuaient à hauteur de 9 % en 2025. Cette minoration sera ramenée à 8 % en 2026, puis progressivement à 7 % en 2027 et à 6 % en 2028, selon la trajectoire portée par un amendement des Loyalistes.
Ces ajustements permettront de maintenir l’équilibre du régime jusqu’en 2032, sans résoudre le problème de fond.
Plusieurs élus ont rappelé la fragilité structurelle d’un système par répartition dans une société vieillissante et peu dynamique démographiquement.
Pour Nicolas Metzdorf, le constat est sans détour : le système par répartition atteint ses limites dans une société vieillissante. La question de la capitalisation est désormais posée, sans tabou.
Adopté par 32 voix pour et 14 abstentions, le texte sur l’aide au logement ne promet pas de miracles.
Il ne règle ni la paupérisation croissante, ni la crise de l’emploi, ni la fragilité du modèle social calédonien. Il vise un objectif plus modeste, mais vital : empêcher l’effondrement d’un dispositif devenu incontrôlable.
Pour les élus loyalistes, le message est assumé : la solidarité doit rester un filet de sécurité, pas un système hors de contrôle financé par une économie exsangue.
Sans reprise économique, sans retour massif à l’emploi et sans réforme structurelle, aucune aide sociale ne pourra survivre durablement.
Le Congrès a choisi de gagner du temps.
Reste désormais à savoir si ce temps sera utilisé pour reconstruire.


















