L’exécutif promet une administration plus simple, plus efficace, plus proche des Calédoniens.
Mais derrière les mots creux de la « modernisation », une réalité bien plus brutale s’impose.
Une réforme vendue comme historique, mais construite hors sol
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a validé, le 23 décembre 2025, son projet d’organisation générale des services, présenté comme une réforme structurante du Plan d’évolution de l’administration. Sur le papier, l’ambition est séduisante : mieux servir les Calédoniens, simplifier les démarches, réduire les coûts.
Dans les faits, cette réforme s’inscrit dans une longue tradition locale : beaucoup de communication, peu de courage politique. La réduction affichée du nombre de directions de 22 à 13 est brandie comme un symbole de rationalisation. Mais aucune remise en cause réelle des dérives structurelles n’est engagée.
Le gouvernement se félicite d’une méthode « participative » : ateliers, newsletters, séminaires, consultations internes. Une usine à palabres, très éloignée des attentes des contribuables calédoniens, qui demandent avant tout des résultats mesurables, pas des processus internes interminables.
Pire encore, cette réforme est soutenue financièrement par l’Agence française de développement, dans un contexte où la collectivité est déjà sous perfusion financière, incapable d’assainir seule son fonctionnement.
Ressources humaines : le diagnostic existe, la volonté politique manque
La chambre territoriale des comptes a pourtant livré un constat sans appel sur la gestion des ressources humaines depuis 2019. Derrière un ton institutionnel policé, le rapport révèle une administration mal pilotée, insuffisamment contrôlée, et structurellement inefficace.
Les effectifs budgétaires stagnent autour de 1 950 postes, tandis que les effectifs réels diminuent légèrement. Mais l’écart entre postes ouverts et agents réellement en poste atteint en moyenne plus de 200 postes, traduisant une gestion approximative et peu transparente.
Le rapport pointe un suivi défaillant des agents mis à disposition, parfois sans convention, parfois à titre gratuit, en violation du droit. Il souligne aussi le poids excessif des collaborateurs de cabinet, près de 6 % des effectifs, avec des statuts hétérogènes et des rémunérations insuffisamment encadrées.
Plus grave encore, la chambre constate l’existence de postes de chargés de mission sans missions clairement définies, parfois occupés par d’anciens responsables politiques, parfois assimilables à de véritables emplois de complaisance. Le mot n’est pas écrit noir sur blanc, mais le constat est là : l’exécutif n’a jamais purgé son administration.
Temps de travail, absentéisme, avantages : les vrais tabous soigneusement évités
Malgré des années de recommandations, le temps de travail dans la fonction publique calédonienne n’est toujours pas défini par la loi. Un vide juridique sidérant, qui empêche tout contrôle sérieux des heures supplémentaires et alimente un système d’indemnités potentiellement irrégulières.
Les absences pour raisons de santé représentent en moyenne 95 équivalents temps plein travaillés, soit environ 3 % des effectifs, sans véritable plan global de lutte contre l’absentéisme. Les congés et autorisations d’absence sont régis par une multiplication de textes illisibles, générant inégalités et opacité.
Le régime indemnitaire, lui, est décrit comme complexe, peu lisible, parfois sans base légale. Des primes sont versées sans fondement juridique clair. Les avantages en nature véhicules, logements sont insuffisamment tracés, parfois non déclarés, parfois mal encadrés.
Et pourtant, la réforme annoncée ne tranche rien. Elle repousse à plus tard les décisions sensibles, promet des études complémentaires, annonce des vagues de transformation étalées jusqu’en 2027. Une stratégie de l’évitement, parfaitement assumée.
Une simplification administrative qui protège le système, pas les Calédoniens
Le gouvernement affirme vouloir réduire le taux d’encadrement de 20 % à 12 %. Une annonce spectaculaire, mais sans calendrier précis ni garanties sur son application réelle. Aucune remise à plat des responsabilités individuelles, aucune sanction des dérives passées, aucune évaluation publique des performances.
Cette réforme ne remet jamais en cause le cœur du problème : une administration devenue un refuge, parfois un système de redistribution politique, où la responsabilité individuelle est diluée et la culture du résultat absente.
À force de refuser de nommer les dysfonctionnements emplois surpayés, missions fictives, temps de travail flou, avantages injustifiés l’exécutif entretient une défiance croissante entre les citoyens et leurs institutions.
La « modernisation » promise ressemble davantage à un lifting technocratique qu’à une réforme de fond. Une réforme pensée pour préserver l’existant, rassurer les syndicats, éviter les conflits, et surtout ne froisser personne.
Pendant ce temps, les Calédoniens continuent de subir une administration coûteuse, lente et déconnectée, financée par une collectivité exsangue et soutenue artificiellement par l’État.

















