Depuis des siècles, Noël structure l’identité chrétienne de l’Europe et du monde occidental.
Derrière les guirlandes et les traditions familiales se cache une décision historique, théologique et politique majeure.
25 décembre 336 : la naissance officielle de Noël dans la Rome chrétienne
Pendant les trois premiers siècles du christianisme, les chrétiens ne célèbrent pas la naissance de Jésus. La foi se concentre sur l’essentiel : la mort et la résurrection du Christ, cœur du salut chrétien. Nulle part dans les Évangiles n’apparaît une date précise pour la Nativité.
C’est à Rome, en 336, que l’on trouve la première mention officielle d’une fête de la Nativité célébrée le 25 décembre. Cette date apparaît dans le Chronographe de 354, un document liturgique romain qui inscrit clairement la mention dies natalis Christi. Noël entre alors dans le calendrier officiel de l’Église.
Cette décision n’est ni naïve ni improvisée. Elle s’inscrit dans une stratégie assumée de christianisation de l’Empire, à un moment où le christianisme est déjà largement implanté, mais encore concurrencé par des cultes païens puissants. L’Église ne subit pas la culture romaine : elle la transforme.
À partir de Rome, la célébration du 25 décembre se diffuse progressivement dans l’ensemble de l’Empire, puis dans la chrétienté occidentale. Depuis cette date fondatrice, Noël commémore la naissance historique de Jésus-Christ, reconnu par les chrétiens comme Dieu fait homme.
Saturnales et Sol Invictus : quand l’Église reprend la main sur le calendrier
Le choix du 25 décembre ne doit rien au hasard. Il correspond à une période déjà saturée de fêtes païennes profondément enracinées dans la société romaine.
Les Saturnales, célébrées du 17 au 23 décembre, sont des fêtes populaires marquées par l’inversion de l’ordre social, la suspension temporaire des hiérarchies, les excès alimentaires, les cadeaux et les jeux. Loin d’un simple folklore, ces fêtes véhiculent une vision du monde opposée à la morale chrétienne.
Face à ces excès, l’Église met en place le temps de l’Avent, période de jeûne et de préparation spirituelle, afin de canaliser les débordements et de redonner du sens à l’attente.
Mais le défi majeur reste le culte du Sol Invictus, célébré précisément le 25 décembre, au moment du solstice d’hiver. Popularisé au IIIᵉ siècle, puis institutionnalisé en 274 par l’empereur Aurélien, ce culte du « Soleil invaincu » prétend offrir à l’Empire une divinité unificatrice face à la montée du christianisme.
En reprenant cette date, l’Église opère un renversement symbolique : elle substitue au soleil physique le Christ, lumière véritable, non plus astre cosmique mais sauveur universel.
Le Christ, Soleil de Justice et fondement de la civilisation chrétienne
Dès les premiers siècles, les Pères de l’Église développent une théologie de la lumière. Le Christ est désigné comme Sol Iustitiae, le Soleil de Justice, celui qui éclaire le monde plongé dans les ténèbres du péché.
Cette symbolique n’est pas une compromission, mais une réappropriation doctrinale ferme. Le retour progressif de la lumière après le solstice devient l’image parfaite de l’Incarnation : Dieu entre dans l’histoire humaine pour la sauver de l’intérieur.
Selon la tradition, Jésus serait né en l’an 753 de la fondation de Rome, sous le règne de l’empereur Auguste. Cette date devient, par convention, l’an I de notre ère, preuve que le christianisme structure durablement notre rapport au temps.
La foi chrétienne affirme un Dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. À Noël, les chrétiens célèbrent le mystère central de l’Incarnation : Dieu s’est fait homme, par amour pour l’humanité. Selon le Credo, Jésus « a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ».
Né à Bethléem, d’une jeune femme promise à Joseph, Jésus entre dans l’histoire sans puissance terrestre, mais avec une autorité spirituelle qui traversera les siècles. Sa naissance annonce déjà le don total de sa vie, jusqu’à la croix, selon ses propres paroles :
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
La tradition de la messe de minuit s’enracine dans l’idée d’une naissance nocturne, évoquée par des textes anciens et reprise dès les premiers siècles. Elle marque le passage symbolique de la nuit à la lumière, du monde ancien au monde renouvelé.
Noël n’est ni une construction tardive ni une fête folklorique vidée de sens. Depuis 336, le 25 décembre affirme une vérité fondatrice : Dieu est entré dans l’histoire, et cette date a façonné durablement la civilisation chrétienne, européenne et française.

















