Alors que la Nouvelle-Calédonie manque cruellement de soignants, certains choisissent encore de rester, de s’engager, de tenir. De ne pas partir.
Le témoignage que nous publions aujourd’hui est celui d’une vocation née dans l’urgence, forgée dans les crises, et aujourd’hui suspendue à une décision administrative. Il pose une question simple, presque brutale : que fait-on, ici, de celles et ceux qui veulent soigner le pays ?
Assistante médico-administrative à l’hôpital depuis près de dix ans, réserviste de l’armée de terre, présente durant la crise du Covid comme lors des troubles de 2024, cette agente hospitalière n’a jamais compté ses heures. Lorsqu’elle décide de passer le concours d’infirmière, ce n’est ni par opportunisme ni par confort, mais par nécessité, par sens du devoir. Révisions tard le soir, sacrifices personnels, effort constant : elle réussit le concours, se classe 11ᵉ sur 18 places.
Elle pensait alors, logiquement, être accompagnée. La réponse sera pourtant négative. Malgré des démarches répétées auprès de l’hôpital, du Gouvernement (Cabinet de Mr Gambey) de la Nouvelle-Calédonie et d’autres institutions, aucune solution ne lui est proposée à ce stade. À quelques semaines de la date limite pour déposer son dossier, l’espoir s’amenuise, l’attente devient pesante, et l’incertitude demeure.
« J’ai toujours été fidèle à l’hôpital et au territoire »
La Dépêche : Pouvez-vous revenir sur votre parcours et sur les efforts que vous avez fournis pour réussir le concours d’infirmière, malgré votre travail à l’hôpital ?
Julie : Assistante médico-administrative, je travaille à l’hôpital depuis 2015 dans différents services. En janvier 2018, j’intègre la réserve opérationnelle de l’armée de terre comme soldat, tout en restant à 100 % à l’hôpital. Les week-ends et jours de congé, je fais de la réserve pour continuer à acquérir de l’expérience, vivre une expérience unique et stimulante, apprendre a travailler en équipe, relevé des défis et me surpasser car je rêve d’exprimer mon sens du devoir, une cause plus grande que moi. La réserve ma donnée beaucoup d’opportunités de m’améliorer, de m’épanouir, la capacité à me dépasser, une solidarité sans faille au côté de camarade comme moi ou dans l’active. J’ai acquéri de nouvelles compétences et une discipline rigoureuse, une expérience unique.
En août 2018, je signe mon CDI à l’hôpital. En 2020, je poursuis mes formations militaires, je monte en grade et deviens caporal. La même année, je postule comme experte fonctionnelle à l’hôpital pendant un peu plus d’un an, avant de reprendre mon poste d’assistante médico-administrative.
En juin 2022, je pars à Tahiti pour devenir sous-officier, avec réussite. Aujourd’hui, je suis sergent et toujours dans la réserve opérationnelle. En parallèle, je suis restée fidèle à l’hôpital : présente pendant le Covid, présente pendant la crise de 2024.
C’est justement durant cette crise que tout s’est déclenché. J’avais le sentiment de ne pas être assez utile. Les besoins en infirmières, médecins, sages-femmes étaient criants. J’ai décidé de passer le concours d’infirmière.
Lorsque l’IFPSS a ouvert le concours, j’ai monté mon dossier, payé les frais d’inscription, planifié toutes les dates. J’ai révisé après le travail, pendant mes pauses, en faisant des maths, de la rédaction, en suivant l’actualité de la santé. Le 18 octobre, j’ai passé les écrits à l’université. Puis les oraux, pour seulement 18 places. Le 21 novembre, les résultats tombent : je suis 11ᵉ. J’étais fière. Sur mon temps de pause, j’ai rédigé ma demande de prise en charge et je l’ai déposée à la direction.
Une réponse négative et des portes qui se ferment
La Dépêche : Comment avez-vous vécu la réponse négative de la direction de l’hôpital, puis l’absence de solutions malgré vos démarches ?
Julie : J’ai reçu la réponse par email : négative. Pendant les deux semaines d’attente, j’avais déjà commencé à chercher des solutions auprès du gouvernement (Cabinet de Mr Gambey), d’autres organismes. J’ai envoyé des emails, passé des appels, eu un entretien au gouvernement. Mais partout, ce furent des réponses négatives.
Je me suis alors tournée vers l’extérieur : l’armée, des écoles en France, le dispositif Cadre Avenir. Toujours avec le même objectif : devenir infirmière. Vendredi dernier, j’ai déposé un recours gracieux pour demander un réexamen de la décision. Aujourd’hui, j’attends encore, en espérant une réponse avant le 15 janvier 2026, date limite pour rendre mon dossier.
Le paradoxe d’un territoire en pénurie de soignants
La Dépêche : Alors que la Nouvelle-Calédonie manque cruellement d’infirmières, comment expliquez-vous que des candidats reçus au concours ne soient pas accompagnés ?
Julie : Honnêtement, je ne comprends pas. Le manque de soignants est là, il est visible, il revient chaque mois dans l’actualité. Et pourtant, lorsqu’on est reçue au concours, motivée, déjà en poste, rien ne se met en place pour accompagner.
« Les ressources internes comptent autant que celles de l’extérieur »
La Dépêche : Aujourd’hui, à quelques semaines de la date limite pour rendre votre dossier, qu’attendez-vous encore des autorités, et que diriez-vous à ceux qui décident ?
Julie : Après mon recours gracieux, j’ai encore l’espoir d’une réponse positive de l’hôpital.
C’est important de faire appel à des ressources extérieures, mais les ressources internes comptent aussi. Pour faire face aux crises sanitaires, aux mouvements sociaux, à des événements graves comme ceux de mai 2024. Beaucoup de personnes ont quitté le territoire depuis, et cela continue.
Ma volonté, mon ancrage et mon attachement au pays garantissent que je resterai ici après l’obtention de mon diplôme d’État d’infirmier. Dans un secteur en crise, marqué par une pénurie durable de soignants, je veux simplement pouvoir servir mon territoire.
À travers ce témoignage, c’est moins une situation individuelle qui est posée qu’une responsabilité collective. Une agente hospitalière engagée depuis près de dix ans, réserviste, formée, reçue au concours d’infirmière, prête à s’investir durablement sur le territoire, se retrouve aujourd’hui sans interlocuteur clair.
Face à la pénurie de soignants, il serait incompréhensible que ce type de parcours reste sans réponse.
La Dépêche de Nouméa lance donc un appel aux institutions concernées, hôpital, Gouvernement, Congrès, afin qu’un contact soit établi avec cette candidate, que son dossier soit examiné et qu’une solution concrète soit envisagée.
Il suffit pour cela de contacter la rédaction de La Dépêche de Nouméa à l’adresse [email protected], afin que nous puissions assurer la mise en relation.
La rédaction ne manquera pas de suivre ce dossier avec attention et de tenir ses lecteurs informés des suites qui seront données.
Au-delà de ce cas précis, c’est la capacité du pays à accompagner ses propres forces vives qui est en jeu. Dans un territoire fragilisé, laisser s’éteindre des vocations locales serait une faute stratégique.
Droits d’auteur photo © Marion PARENT

















