Dans un premier article, La Dépêche de Nouméa révélait l’existence de graves désordres techniques affectant un cinéma emblématique du territoire, s’appuyant sur une décision de justice, des expertises et des constats matériels réalisés sur site.
Nous y mettions en lumière des malfaçons avérées, des responsabilités engagées et une situation financière fragilisée, ayant conduit le promoteur jusqu’à la liquidation.
Un travail d’enquête factuel et documenté, qui interrogeait sur la manière dont un projet culturel aussi structurant avait pu se retrouver au bord de la disparition.
Quand l’information dérange, certains préfèrent imposer leur récit
Dès la publication de notre premier article, une tentative de disqualification s’est immédiatement mise en place. Pourtant, il est fondamental de rappeler un point de départ essentiel : tout ce que nous avons dénoncé est étayé, documenté et vérifiable. Les faits exposés reposent sur des décisions, des expertises et des constats matériels, mais également sur des éléments publics, écrits et traçables concernant les méthodes de communication employées par la Fédération calédonienne du BTP (FCBTP).
Contrairement à ce qui a été suggéré, la stratégie que nous avons décrite n’est ni une interprétation journalistique ni une extrapolation. Elle est, elle aussi, parfaitement documentée. La FCBTP a fait le choix de diffuser un communiqué comportant des éléments de langage précis, adressés à l’ensemble de la presse locale. Ces éléments ont été repris, parfois mot pour mot, par plusieurs médias, sans mise en perspective ni contradiction, contribuant à installer un récit unique autour de ce dossier.
Ce même récit, cette même argumentation, a ensuite servi de socle à une procédure aux conséquences majeures : la mise en liquidation du promoteur (PROMOCINE) du cinéma. Plus grave encore, il a été reconnu noir sur blanc que l’acte fondateur de l’attaque contre cette société reposait sur des informations issues de la presse, elles-mêmes directement alimentées par la communication de la fédération. Autrement dit, la vision portée par la FCBTP s’est imposée comme la grille de lecture dominante, au point d’influencer directement une décision de mise en liquidation.
Ce point est central. Il démontre que l’enjeu dépasse largement un simple différend médiatique et met en lumière le pouvoir d’influence d’un syndicat capable, par la maîtrise du récit et du lobbying médiatique, de peser sur le destin d’une entreprise jusqu’à sa disparition.
Une démarche journalistique fondée sur le droit et les faits
Face à cette situation, la démarche de La Dépêche de Nouméa n’a rien d’une posture. Elle s’appuie sur des éléments juridiques incontestables, au premier rang desquels une décision de la Cour de cassation, ainsi que sur des expertises, rapports techniques et constats établis dans le cadre de procédures contradictoires.
Informer sur ces décisions, sur leurs conséquences concrètes et sur la manière dont elles ont été précédées et accompagnées par une communication orientée ne relève ni de l’acharnement ni de l’idéologie. C’est l’exercice normal du rôle de la presse : documenter les faits, exposer les mécanismes et permettre au public de comprendre comment une situation a pu conduire à une liquidation que la plus haute juridiction a ensuite jugée infondée.
Des désordres techniques réels et documentés
Au-delà du récit, il y a la réalité matérielle. Les constats effectués sur le bâtiment sont précis et concordants. Les portes coupe-feu installées ne sont pas tropicalisées, ce qui les rend inadaptées à l’environnement local et entraîne une dégradation accélérée incompatible avec les normes de sécurité attendues dans un établissement recevant du public.
La toiture présente, elle aussi, des désordres sérieux, avec des infiltrations d’eau atteignant directement les salles de projection. Ces défauts ont été suffisamment caractérisés pour que la garantie décennale soit mobilisée, ce qui constitue une reconnaissance juridique de l’existence d’un vice engageant la responsabilité du constructeur.
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Reconnaître les ratés sans salir les entreprises
Il est indispensable d’insister sur ce point. Les entreprises intervenues sur ce chantier sont des acteurs reconnus du tissu économique calédonien. Concernant la toiture, l’Entreprise Costentin jouit d’une réputation solidement établie, bâtie sur de nombreux chantiers menés avec sérieux. Cette enquête ne vise en aucun cas à remettre en cause son savoir-faire global ni à entacher son image.
Ce qui est en cause est un raté précis sur un chantier donné, lié à un choix technique, à une conception ou à un conseil inadapté dans un contexte particulier. Le reconnaître n’équivaut pas à discréditer une entreprise. C’est au contraire une démarche de responsabilité, indispensable pour comprendre, corriger et éviter que de telles situations ne se reproduisent.
Un éclairage inadapté à la vocation culturelle du lieu
Un autre élément central concerne l’éclairage des salles. Dans un cinéma, l’éclairage n’est pas accessoire. Il participe à la montée en ambiance, à l’immersion, à la qualité de l’expérience spectateur. Or, les expertises ont mis en évidence une installation standardisée, comparable à un éclairage de surface commerciale ou de chantier, sans capacité de gradation fine ni de transitions lumineuses adaptées à une salle de projection.
Ce défaut technique altère directement l’exploitation du cinéma et confirme que certains choix réalisés lors de la construction n’étaient pas adaptés à la vocation culturelle du lieu.
Des méthodes devenues contre-productives
Dans un tel contexte, il est légitime d’attendre d’une organisation professionnelle qu’elle accompagne les entreprises dans la résolution des difficultés, qu’elle favorise l’explication, la médiation et la recherche de solutions durables. À force d’utiliser des méthodes d’imposition du récit qui ont pu fonctionner dans un autre temps, la fédération adopte aujourd’hui une stratégie devenue contre-productive, qui finit par fragiliser davantage les entreprises qu’elle prétend protéger.
Un cinéma fragilisé, toujours sous menace
Les conséquences ont été lourdes. PROMOCINE a été placée en liquidation sur la base d’un récit dominant, avant même que l’ensemble des responsabilités techniques ne soient pleinement établies. Aujourd’hui encore, malgré les procédures engagées, la situation demeure fragile. À l’horizon 2026, le risque de fermeture reste bien réel si cette affaire n’est pas traitée dans toute sa profondeur.
La suite de l’enquête : la liquidation et la culture de la liquidation
La suite du travail de La Dépêche de Nouméa portera désormais sur la liquidation elle-même. Il a été reconnu que cette société n’aurait pas dû être placée en liquidation, ce qui renvoie à une problématique plus large déjà pointée par l’Autorité de la concurrence : l’existence d’une véritable culture de la liquidation en Nouvelle-Calédonie.
Depuis plus de vingt-cinq ans, les mandataires judiciaires exercent dans un cadre monopolistique, disposant d’un pouvoir considérable sur le sort des entreprises, tout en étant rémunérés sur les procédures de liquidation et les actifs récupérés. Une situation structurellement problématique, que le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a lui-même reconnu en autorisant récemment la désignation d’un second mandataire judiciaire sur le territoire.
Préserver un outil culturel essentiel
Enfin, il faut le rappeler avec force. Un cinéma de cette ampleur est un projet audacieux, structurant, presque courageux dans le contexte calédonien. La Nouvelle-Calédonie a la chance de disposer d’un tel équipement culturel, véritable outil de lien social et de rayonnement.
Mettre au jour les erreurs, comprendre comment un récit imposé a conduit à une liquidation injustifiée et questionner les dérives systémiques n’est pas un acte de destruction. C’est une condition indispensable pour préserver cet outil, garantir sa pérennité et empêcher que de telles situations ne se reproduisent.
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