Avec Le Trail de Nouméa, paru en 2025 aux Éditions Rhéartis, Arnaud Dangoisse signe un roman hybride, oscillant entre récit sportif, introspection militaire et polar existentiel. Loin d’un simple roman de course, l’ouvrage explore la frontière fragile entre la performance physique et la résurgence des traumatismes du passé.
Un ex-gendarme hanté par ses démons
Le roman s’ouvre sur une scène troublante : un homme, ancien commando, se réveille en sueur, prisonnier d’un cauchemar récurrent. La guerre, la peur, l’instinct de survie, tout ressurgit sans prévenir.
Il pensait pourtant s’en être débarrassé
écrit Dangoisse, rappelant que les blessures invisibles des anciens militaires ne dorment jamais vraiment.
Ce héros, désormais rangé, tente de se reconstruire par la routine : café du matin, short, chaussures de running. La course devient ici une thérapie silencieuse, un moyen de fuir l’ombre d’un passé qu’il croyait maîtrisé.
Le rituel des coureurs du samedi
Le cadre se déplace ensuite vers une scène de vie collective : un parking, une enseigne de sport, des coureurs du samedi matin. Chacun a son histoire, son humour, son rôle dans la bande. Amélie, la cheffe du rayon running, incarne la cohésion et l’énergie du groupe, où la course n’est plus compétition mais lien social.
Le lecteur entre dans cette atmosphère de camaraderie, où l’on parle aussi bien de politique que de pâtisserie, de matériel de sport que d’amitiés durables. Ces pages, vivantes et familières, rappellent la dimension communautaire du sport : « Les amitiés ne s’arrêtaient pas au cadre du samedi matin ».
Mais sous la légèreté des échanges flotte une inquiétude sourde : Paul, l’ex-gendarme, ne vient pas au rendez-vous. Et lorsqu’un ami tente de l’appeler, la ligne décroche… puis se coupe brutalement. Le roman bascule alors du réalisme convivial au suspense psychologique.
Du sport à la tension : la bascule du récit
Ce glissement progressif est la force du roman. Le lecteur, pris dans la routine d’un footing collectif, voit s’installer un malaise : un silence, un appel manqué, un pressentiment. La dernière page du chapitre laisse entrevoir un mystère : Paul n’a pas simplement dormi trop longtemps.
Dangoisse excelle dans cet art du décalage : il construit une fiction à hauteur d’homme, avant de faire surgir le drame dans le quotidien.
C’est drôle quand même
dit Amélie, une phrase banale, mais qui sonne comme un signal d’alarme.
Une écriture entre réalisme et tension narrative
La plume de l’auteur, précise et rythmée, alterne entre introspection et description. Le style, sobre mais tendu, épouse les pulsations de la course : accélérations, ralentissements, reprises de souffle. Le réalisme des dialogues, la peinture des personnages et la justesse du ton donnent au récit une profondeur rare dans le roman de sport contemporain.
Derrière la légèreté apparente des foulées se cache une métaphore de la fuite, celle d’un homme traqué non par un ennemi, mais par sa mémoire.
Avec Le Trail de Nouméa, Arnaud Dangoisse offre un roman à double détente : à la fois chronique d’un groupe soudé par la passion du running et thriller intime sur la persistance du passé. Un livre sur la résilience, sur ces « citadelles de l’esprit » qu’évoquait Hélie de Saint Marc en exergue, et qui, face au temps, tiennent mieux que les murailles de pierre.















