ÉDITO. Longtemps taboue, l’union des droites s’impose dans les têtes. Les électeurs LR, RN et Reconquête partagent désormais les mêmes priorités : autorité, immigration, identité. Pendant que les partis tergiversent, la base avance. Et n’attend plus personne.

Il fut un temps où en parler, c’était s’exclure du jeu. Aujourd’hui, c’est l’inverse : c’est l’ignorer qui devient hors-sol. Longtemps taboue, cette idée fait désormais son chemin dans les têtes. Les électeurs de droite n’y voient plus une provocation, mais une évidence. Ils votent de plus en plus de la même façon, s’informent via les mêmes canaux, partagent les mêmes angoisses. Et ils ne comprennent plus pourquoi leurs représentants s’acharnent à entretenir une séparation qui, dans leurs esprits, n’existe plus.
D’ailleurs, cette union existe déjà. En silence. À l’Assemblée nationale, LR, UDR et RN votent souvent ensemble : sur l’autorité, l’immigration, l’école. Au Parlement européen, même combat contre la technocratie bruxelloise. Et sur le terrain, notamment en vue des municipales, les alliances officieuses se multiplient. Il ne manque que l’aveu.
Ce qui a changé, ce n’est pas la doctrine, c’est le pays. Une partie croissante de la droite veut en finir avec le « cordon sanitaire », ce piège mitterrandien taillé sur mesure pour fracturer la droite. À force d’avoir servi d’alibi, ce bricolage moral s’est vidé de son sens. Il ne reste que la colère, la lassitude… et l’envie d’en finir avec l’hypocrisie. L’union des droites n’est plus une hypothèse sulfureuse.
Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun
Sur les idées, le match est plié. Entre les électeurs LR, RN et Reconquête, les différences idéologiques ne tiennent plus qu’à un fil. Depuis plus de quinze ans, les lignes ont convergé. Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun. Le cœur battant de la droite est aujourd’hui dans le régalien, la nation, l’autorité.
Les électeurs ont la même exaspération face à la violence, la même inquiétude devant la pression migratoire, la même volonté de défendre l’école, la famille, le travail. Sur ces sujets-là, les électeurs de droite pensent la même chose. Ils n’attendent plus qu’un discours capable d’unifier ce qu’ils ressentent déjà comme uni.
Les différences ? Elles subsistent, bien sûr. Sur l’Europe, sur l’économie, sur les retraites. Mais elles ne structurent plus le vote. Elles nuancent. Elles freinent parfois. Mais elles ne divisent plus. Le vrai clivage n’est plus idéologique, il est stratégique. Il oppose ceux qui assument une clarification, et ceux qui continuent de l’éviter.
Une partie de la droite classique regarde encore ailleurs, mais l’autre n’a plus peur du RN. Elle le regarde avec lucidité, parfois même avec envie. Il ne manque plus qu’un visage pour rassembler ce bloc. Une voix. Un récit. Une dynamique. Car la fracture, aujourd’hui, n’est plus entre LR et RN. Elle est entre les électeurs, qui sont prêts, et les partis, qui jouent à se faire peur.
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront. Parce qu’ils n’attendent plus. Parce qu’ils n’y croient plus. Ils ont tourné la page des petits calculs, des alliances de congrès, des comités stratégiques du dimanche soir. La droite du pays réel ne demande plus l’autorisation. Elle avance seule. Ils sont nombreux à avoir suivi Éric Ciotti, celui qui a osé ce que d’autres n’ont même pas envisagé : trancher le nœud gordien, tendre la main au RN, rompre avec la ligne molle. Il a brisé le tabou. Et s’il a été lâché par les siens, il ne l’a pas été par une partie de l’électorat.
Car pendant que le centre se redessine et que la gauche s’enfonce dans le mélenchonisme le plus outrancier, le « cordon sanitaire » n’a plus d’effet. Il parle encore aux éditorialistes. Il parle aux derniers gardiens du temple progressiste. Mais dans les urnes, il ne parle plus à personne. Ce qui parle, en revanche, c’est une colère froide. Une impatience. Un besoin de clarté. Et une certitude : les partis ne servent plus à rien.
