Il avait juré de ne jamais plier. Ce mardi 21 octobre, Nicolas Sarkozy est entré à la prison de la Santé, le visage grave mais la tête haute.
Une image qui marque l’histoire de la Ve République et interroge sur la dérive d’une justice transformée en spectacle.
La chute d’un président ou la victoire du ressentiment ?
C’est une première historique : jamais un ancien président de la République n’avait été incarcéré sous la Ve République. À 70 ans, Nicolas Sarkozy a franchi les portes de la prison de la Santé, mardi 21 octobre, après avoir été condamné à cinq ans de prison ferme pour « association de malfaiteurs » dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Entouré de ses proches et de son épouse Carla Bruni, l’ancien chef de l’État a reçu les applaudissements de ses soutiens à la sortie de son domicile. Une centaine de sympathisants, réunis à l’initiative de ses fils, ont voulu témoigner de leur fidélité à celui qu’ils considèrent comme un homme d’État injustement accablé.
Quelques heures plus tard, des détenus eux-mêmes scandaient depuis leurs cellules : « Oh bienvenue Sarkozy ! », un écho presque symbolique d’une France qui doute de sa propre justice.
Dans un message bouleversant publié sur X, Nicolas Sarkozy a confié sa douleur :
J’ai une peine profonde pour la France, humiliée par l’expression d’une vengeance qui a porté la haine à un niveau inégalé.
Cette phrase, glaçante, sonne comme une mise en accusation d’un système judiciaire qui semble avoir perdu sa mesure.
Une incarcération vécue comme une humiliation nationale
Placée sous haute surveillance, la scène de l’entrée de l’ancien président dans le quartier d’isolement a bouleversé la symbolique républicaine. L’homme qui fut garant de la Constitution, artisan du retour de la France sur la scène internationale, se retrouve aujourd’hui seul dans une cellule de 9 m², entouré de silence et de murs froids.
Selon ses avocats, il aurait emporté deux livres : une biographie de Jésus et Le Comte de Monte-Cristo. Deux symboles puissants, le pardon et l’injustice.
Pour Jean-Michel Darrois, son conseil historique, cette incarcération est une « honte ». Son autre avocat, Christophe Ingrain, a salué la dignité de son client :
Il est entré, il a salué les personnes qui l’attendaient pour exécuter les formalités de la détention. Une phrase sobre, mais lourde de respect.
Immédiatement, une demande de mise en liberté a été déposée. Elle sera examinée d’ici un mois.
La scène s’est déroulée sous les cris mêlés des militants, des curieux et des agents pénitentiaires en grève. Le syndicat Ufap-Unsa Justice dénonce une « incarcération médiatique » alors que la crise du système carcéral est totale.
Ironie du sort : la prison de la Santé, symbole d’une République à la fois forte et impuissante, devient le théâtre d’un affrontement idéologique entre justice et politique.
Macron, entre prudence institutionnelle et embarras politique
En déplacement en Slovénie, Emmanuel Macron a tenté d’éteindre l’incendie.
Il a reconnu que :
la question de l’exécution provisoire est un débat légitime dans une démocratie », tout en appelant au « calme et à la sérénité.
Mais dans les rangs de la majorité comme de l’opposition, le trouble grandit.
Car cette incarcération, pour beaucoup, va bien au-delà du cas Sarkozy : elle interroge la capacité de la France à respecter ses anciens dirigeants, à protéger la dignité de sa fonction.
Le président de la République a confirmé avoir reçu Nicolas Sarkozy à l’Élysée quelques jours avant son incarcération, évoquant un « geste humain ». Une marque de respect rare dans le climat politique actuel, mais insuffisante pour calmer la colère de la droite.
Gérald Darmanin, ministre de le Justice, a lui annoncé qu’il irait « le voir en prison ». Une phrase aussitôt dénoncée par les syndicats de magistrats, qui y voient une « confusion des rôles ».
Mais derrière cette polémique, une réalité s’impose : la droite française vit cet épisode comme une blessure collective, un symbole de l’acharnement judiciaire contre ses figures.
Depuis sa cellule, Nicolas Sarkozy promet de ne pas renoncer. « La vérité triomphera », a-t-il écrit, convaincu que son procès d’appel rétablira son honneur.
L’ancien chef de l’État, condamné pour avoir laissé ses collaborateurs démarcher la Libye de Kadhafi, nie toute implication personnelle.
Ses soutiens dénoncent un dossier monté sur des rumeurs, sans preuve matérielle directe, et un verdict dicté par le climat politique.
Le parallèle avec Le Comte de Monte-Cristo n’est pas anodin : un homme accusé à tort, trahi, emprisonné, mais résolu à se battre pour la vérité.
Au fond, Nicolas Sarkozy devient malgré lui le miroir d’une République qui punit ses bâtisseurs mais excuse ses démolisseurs.
Son incarcération, loin de marquer la fin d’un parcours, pourrait bien ouvrir le dernier chapitre d’un combat politique et moral.