Les nations se forgent dans l’épreuve, pas dans les excuses. Et le 2 décembre 1805, la France a rappelé au monde ce qu’est une puissance sûre d’elle, offensive, maîtresse de son destin.
Sous un soleil tombé du ciel en plein hiver, un homme va inscrire son nom dans la pierre de l’Histoire : Napoléon Ier.
LES COALISÉS SÛRS D’EUX, NAPOLÉON SÛR DE LA FRANCE
À l’été 1805, l’Europe bruisse d’un énième complot contre la France. L’Angleterre manœuvre, l’Autriche s’agite, la Russie s’embrase. Une troisième coalition se forme, persuadée que la France impériale a atteint son point de rupture. C’est mal connaître l’homme du 18-Brumaire et sa détermination farouche à briser quiconque ose défier la souveraineté française.
Ne pouvant frapper la tête de la coalition, l’Angleterre, Napoléon en frappera le bras : l’Autriche, résume Jean Tulard.
Tout est dit : la France ne subit pas, elle agit.
Le 3 septembre, Napoléon renonce à traverser la Manche. Il préfère l’offensive terrestre, rapide, implacable. La Grande Armée, disciplinée, aguerrie, file vers l’est en marches forcées. Le 20 octobre, Ulm s’effondre : une victoire magistrale obtenue quasiment sans combattre, preuve que le génie stratégique peut faire tomber des armées entières.
Le 14 novembre, Napoléon entre dans Vienne, capitale des Habsbourg : première fois de l’Histoire qu’un conquérant y parade. Pendant ce temps, le vieux renard russe Koutouzov recule au-delà du Danube, déterminé mais isolé. Le 19 novembre, les avant-gardes françaises franchissent Brünn et atteignent Austerlitz. En face, près de 80 000 Austro-Russes massés sur les hauteurs.
Les Français sont moins nombreux, menacés sur leur flanc par les forces arrivant d’Italie. Mais l’infériorité numérique n’effraie pas celui qui a bâti sa légende sur la vitesse, la surprise et l’audace.
UNE RUSE DE MAÎTRE : FAIRE CROIRE À LA FAIBLESSE, POUR MIEUX FRAPPER LA FORCE
Le 28 novembre, coup de théâtre : Napoléon demande à Murat, Lannes et Soult d’abandonner le plateau du Pratzen, point stratégique. Pour ses maréchaux, l’idée semble folle. Pour Napoléon, c’est une manœuvre magistrale. Les coalisés, voyant ce retrait, se persuadent que l’armée française chancelle. Ils tombent tête baissée dans l’embuscade.
Le 29 novembre, l’empereur reçoit le prince Dolgorouky. Les Russes exigent trop. Napoléon claque la porte : ce sera la guerre. Le piège se referme.
Le 1er décembre, il dispose de 75 000 hommes prêts à frapper. Son dispositif, parfaitement pensé, consiste à attirer les Austro-Russes sur son flanc prétendument faible afin de mieux les encercler.
Koutouzov comprend la ruse, mais ses avertissements sont ignorés. Le tsar Alexandre, jeune, fougueux, persuadé de sa supériorité, croit pouvoir écraser Napoléon en un seul coup d’éclat.
Le soir venu, l’empereur inspecte les bivouacs. Les soldats brûlent de la paille pour éclairer son passage. Une scène de communion nationale, presque mystique : un chef et son armée, unis dans le froid d’Europe centrale.
À l’aube du 2 décembre, les Austro-Russes se mettent en mouvement. Quarante mille hommes descendent du Pratzen dans le brouillard pour écraser l’aile supposée fragile. C’est exactement ce que Napoléon attend. Dans la brume, deux divisions de Soult surgissent sur leurs flancs et grimpent vers le plateau laissé vide. Le cœur du dispositif ennemi vole en éclats.
La Garde impériale russe tente une dernière contre-attaque. Napoléon la brise lui-même, présent au feu, entouré de son état-major. Le Pratzen, clé de la bataille, tombe aux mains de la France. Tout le reste n’est plus qu’écroulement.
L’aile droite russe fuit en désordre, faute d’être bloquée par Bernadotte. L’aile gauche, elle, est prise en tenaille : Garde française d’un côté, divisions de Soult de l’autre. Certains soldats russes tentent de s’échapper en franchissant un lac gelé. Sous le feu de l’artillerie, la glace cède : des centaines se noient.
À midi, un splendide soleil illumine le champ de bataille. Ce sera le Soleil d’Austerlitz, image éternelle de la gloire française.
Bilan : les coalisés perdent environ 7 000 hommes sur le premier récit, 35 000 sur le second, selon les sources. Les Français pleurent 1 288 morts. La disproportion raconte tout : la maîtrise, la précision, l’efficacité.
DEUX EMPEREURS À GENOUX : AUSTERLITZ ENTRE DANS L’ÉTERNITÉ
Le 26 décembre, l’Autriche signe la paix de Presbourg. La troisième coalition s’effondre. L’Europe comprend que la France impériale n’est pas une puissance parmi d’autres : c’est la première armée du monde.
À Paris, cinquante drapeaux ennemis rejoignent les Invalides. Les cent quatre-vingts canons capturés serviront à forger la colonne Vendôme, monument dédié à la souveraineté française, copie assumée de la colonne Trajane. Quand Rome inspire Paris, c’est la France qui reprend son rang dans la continuité des empires.
Austerlitz devient le chef-d’œuvre tactique de Napoléon : une bataille étudiée dans toutes les académies militaires du monde, un modèle de feinte, de vitesse et d’exploitation des erreurs adverses.
Chaque 2 décembre, les Saint-Cyriens rendent hommage à cette victoire, célébrant le « 2S », symbole d’excellence et de fidélité au génie militaire français.
Austerlitz n’est pas seulement une victoire. C’est un rappel : quand la France croit en elle, quand elle suit un cap clair, quand elle assume sa puissance, aucun empire ne peut la faire plier.
Napoléon l’a montré. L’Histoire, elle, n’a jamais oublié.


















