La vérité est simple : un enfant se construit d’abord dans la vraie vie, pas derrière une vitre lumineuse.
Et, face à l’explosion des usages numériques, la Nouvelle-Calédonie doit reprendre la main pour protéger ses plus jeunes.
L’ENFANCE A BESOIN DE RÉEL, PAS DE PIXELS
Il faut le rappeler avec force : le développement d’un enfant repose avant tout sur les interactions concrètes, le jeu, le mouvement, l’imaginaire, l’exploration du monde. C’est ce socle solide qui nourrit l’éveil, la confiance et la construction intellectuelle. Aucun écran, aussi sophistiqué soit-il, ne remplacera jamais la présence humaine, la parole d’un parent, le rire partagé ou la créativité spontanée d’un enfant qui manipule, dessine, invente.
Dans notre société saturée d’images et de notifications, cette évidence est pourtant brouillée. Les écrans s’imposent partout, tout le temps. Téléphones, tablettes, téléviseurs, ordinateurs : le numérique a pénétré nos foyers avec une rapidité fulgurante. Pour beaucoup, la vigilance parentale s’est trouvée prise de court.
Et les conséquences, désormais documentées, sont lourdes : retard d’apprentissage, troubles de l’attention, perturbations du sommeil, isolement, retrait social. Chez les plus jeunes, l’exposition précoce bouleverse des mécanismes encore fragiles. Avant 3 ans, les écrans sont un frein à la construction du langage et aux compétences motrices. À l’adolescence, ils deviennent des portes d’entrée vers des dérives connues : harcèlement, contenus inadaptés, jeux vidéo excessifs, surconsommation des réseaux sociaux.
Face à ce constat, une évidence s’impose : il faut rétablir l’autorité éducative, clarifier les règles et redonner aux parents les moyens d’agir. Aucune société développée ne peut laisser ses enfants dériver dans un environnement numérique sans limite.
DES REPÈRES CLÉS POUR UNE GÉNÉRATION EXPOSÉE
Le territoire ne peut pas se permettre d’improviser. Les repères d’âge, établis par les professionnels du développement, sont un outil essentiel. Ils doivent redevenir des réflexes pour chaque famille.
• Avant 3 ans : aucun écran. Point final. Cette période est capitale. Le cerveau a besoin d’interactions humaines constantes, pas de vidéos passives. Même les adultes doivent éviter de consulter leur téléphone lorsqu’ils s’occupent du tout-petit : l’enfant a besoin d’attention pleine.
• De 3 à 6 ans : usage rare, accompagné, éducatif uniquement. Un dessin animé n’a jamais empêché un enfant de s’épanouir, mais la priorité doit rester les jeux, les activités physiques, l’apprentissage social.
• De 6 à 9 ans : un cadre strict. Pas d’appareil personnel, pas d’internet seul, pas d’accès libre. Les parents doivent voir, savoir, guider.
• De 9 à 12 ans : autonomie limitée, sous surveillance active. Pas de réseaux sociaux. Pas d’IA générative. Pas de navigation en solitaire. Il s’agit d’une période à risques, où les dérives peuvent s’installer très vite.
• De 12 à 15 ans : davantage de liberté, mais sous contrôle parental. Les écrans ne doivent jamais dévorer le sommeil, le sport, les devoirs ou la vie sociale réelle.
• De 15 à 18 ans : accompagnement vers la maturité numérique. Les adolescents doivent apprendre à trier l’information, se protéger, résister aux manipulations des plateformes.
Et, à tout âge, quatre moments sont sacrés : au réveil, aux repas, dans la chambre, avant de dormir. Ce sont les piliers d’une hygiène numérique saine.
Il n’y a rien de « répressif » dans ce discours, simplement une exigence : protéger l’enfant avant de protéger l’écran.
PRÉVENIR, ACCOMPAGNER, RECADRER : LE RÔLE CLÉ DE LA FAMILLE ET DES PROFESSIONNELS
Si les familles restent la première ligne de protection, elles ne sont pas seules. Les dispositifs publics, quand ils sont bien conçus, ont un rôle majeur. C’est le cas du dispositif DECLIC, présent en Nouvelle-Calédonie.
DECLIC accueille gratuitement les jeunes de moins de 25 ans, qu’il s’agisse de consommations de tabac, d’alcool, de cannabis ou de conduites addictives liées aux écrans, aux jeux vidéo ou aux réseaux sociaux. Une équipe de professionnels infirmiers et psychologues offre une écoute confidentielle, une évaluation des pratiques, des conseils personnalisés et, si nécessaire, une orientation vers d’autres spécialistes.
L’objectif n’est pas de culpabiliser, mais de remettre de la lucidité et du cadre dans un univers où tout pousse à l’excès. Les plateformes numériques ont des modèles économiques qui reposent sur l’attention captée, pas sur l’équilibre des familles. Il appartient donc aux adultes, et à la puissance publique, de contrecarrer cette logique.
Tous les signaux sont d’ailleurs au rouge : les demandes d’aide pour cyberaddictions notamment jeux vidéo et réseaux sociaux explosent. Les professionnels constatent une perte de repères, une difficulté croissante à décrocher, un repli sur soi chez certains adolescents.
Il est temps de rappeler un principe simple : la liberté ne s’oppose jamais à l’autorité lorsque cette autorité protège.
Un pays qui protège son enfance prépare sa réussite collective.
Les écrans resteront présents, mais il nous revient d’en définir l’usage pas l’inverse.


















