La mission parisienne patine, les positions se crispent, et l’accord de Bougival s’éloigne chaque jour un peu plus. En Nouvelle-Calédonie, l’État cherche une sortie par le haut… mais découvre surtout un blocage parfaitement assumé.
Terrain mouvant : la mission de facilitateurs au point mort
Depuis le 1ᵉʳ décembre, les trois « facilitateurs » envoyés par Paris tentent d’améliorer l’accord de Bougival, sans succès perceptible. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie doit rendre un avis le 6 décembre, avant une consultation citoyenne prévue le 15 mars.
Mais sur le terrain, rien n’indique une dynamique de compromis.
Le gouvernement espérait un travail d’ajustement. À la place, il constate un durcissement. La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a sillonné l’archipel, notant tour à tour des positions figées : le FLNKS maintient sa ligne d’indépendance totale, sans concession ; les Loyalistes défendent la stabilité institutionnelle, condition vitale pour l’économie ; et l’État tente d’éviter une crise politique durable.
Le Premier ministre Manuel Valls, chargé de réactiver la méthode, cherche une voie « réaliste ». Mais l’équation reste explosive : sans consensus minimal, l’accord de Bougival reste bloqué dans les faits.
Un calendrier intenable et un texte fragilisé
Le texte issu de Bougival devait être soumis au vote du Parlement en février, mais le rythme politique local rend cette perspective de plus en plus improbable.
Le FLNKS continue d’exiger une réforme constitutionnelle rapide et une trajectoire d’indépendance, tandis que plusieurs groupes du Congrès — dont certains signataires initiaux — prennent désormais leurs distances.
La mission parisienne espérait clarifier les points sensibles. Elle met surtout en lumière l’ampleur des fractures : aucune entente sur le corps électoral, aucune sur les compétences à transférer, aucune sur la trajectoire institutionnelle.
Autrement dit, chaque pilier du texte reste contesté, transformant l’accord de Bougival en véritable champ de mines politique. Les élus loyalistes, eux, rappellent que les trois référendums successifs ont clairement confirmé l’attachement à la France, et que rouvrir aujourd’hui ces sujets reviendrait à fragiliser encore davantage la stabilité déjà précaire du territoire.
De son côté, une partie de la gauche locale reste prudente, jouant « profil bas » sur un accord jugé fragile.
Résultat : un calendrier théorique, mais aucune dynamique réelle.
Paris face au risque d’un enlisement durable
Naïma Moutchou le reconnaît, si l’archipel ne trouve pas une base commune, l’État devra reprendre la main. Emmanuel Macron envisage d’ailleurs de réunir prochainement les forces politiques à Paris. Objectif : éviter que le dossier ne s’effondre et que la crise institutionnelle ne s’installe jusqu’en 2026.
Mais les signaux sont préoccupants :
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Le FLNKS parle toujours d’indépendance sans ambiguïté,
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L’UNI-Palika reste en retrait,
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Les Loyalistes exigent sécurité juridique et stabilité, conditions préalables à toute relance économique,
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Les partenaires sociaux craignent un nouveau cycle d’incertitude, facteur de fuite des investissements.
Pour l’instant, personne ne voit comment reconstruire une majorité politique capable d’avancer. L’accord de Bougival, présenté comme la sortie de crise, devient peu à peu le symbole d’un enlisement institutionnel, où chacun campe sur sa position, en attendant le mouvement de l’autre.

















