La mer de Chine méridionale devient un champ de bataille silencieux. Pendant que Pékin concentre sa pression sur Manille, Hanoï accélère discrètement sa stratégie militaire.
Hanoï accélère la construction d’îlots artificiels dans les Spratleys
Le Vietnam est en passe d’achever une transformation stratégique majeure en mer de Chine méridionale. Selon des analyses satellitaires récentes, Hanoï a lancé en 2025 des travaux de remblaiement et de militarisation sur huit récifs jusqu’ici vierges dans l’archipel disputé des Spratleys.
Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique engagée depuis 2021. En quatre ans, l’ensemble des 21 positions vietnamiennes occupées dans les Spratleys a été étendu par des terres artificielles, réduisant fortement l’écart avec la Chine. À ce stade, le Vietnam aurait déjà créé près de 70 % du volume de terres artificielles construites par Pékin dans cette zone stratégique.
La mer de Chine méridionale représente un axe vital du commerce mondial, par lequel transitent chaque année des milliers de milliards de dollars d’échanges. Pour le Vietnam, près de 90 % de ses exportations passent par cette voie maritime, ce qui en fait un enjeu existentiel, à la fois économique, sécuritaire et identitaire.
Des récifs transformés en bases militaires défensives
Les images analysées par l’Asia Maritime Transparency Initiative montrent une évolution nette : plusieurs récifs auparavant limités à de simples abris en béton ont été convertis en avant-postes militaires structurés. C’est le cas notamment d’Alison Reef, Collins Reef, East Reef, Landsdowne Reef et Petleys Reef.
Ces installations comprennent désormais des dépôts de munitions fortifiés, des infrastructures portuaires, ainsi que des capacités logistiques renforcées. L’exemple le plus marquant reste Barque Canada Reef, équipé d’une piste d’atterrissage de près de 2 400 mètres, capable d’accueillir des aéronefs militaires.
Les experts soulignent toutefois une différence majeure avec la Chine. Le Vietnam ne cherche pas à projeter une puissance offensive régionale, mais à durcir ses positions pour dissuader toute tentative de prise de force. Contrairement à Pékin, Hanoï n’a jamais utilisé ses installations pour harceler ou intimider les autres États riverains.
À l’inverse, la Chine a transformé plusieurs récifs – Mischief Reef, Subi Reef et Fiery Cross Reef – en bases militaires lourdes, dotées de missiles antiaériens, de capacités de brouillage électronique, de tunnels souterrains et d’avions de chasse.
Un rééquilibrage stratégique discret mais assumé
La stratégie vietnamienne reste volontairement peu médiatisée, afin d’éviter une escalade diplomatique directe avec Pékin. Cette prudence contraste avec l’attitude chinoise, marquée par des actions quotidiennes de coercition maritime, notamment contre les navires philippins, à coups de canons à eau, d’éperonnages et de manœuvres d’intimidation.
Le timing de Hanoï n’est pas anodin. La focalisation actuelle de la Chine sur les Philippines, alliées renforcées des États-Unis, offre au Vietnam une fenêtre d’opportunité. Washington, initialement opposé à toute modification du statu quo, semble aujourd’hui tolérer, voire soutenir implicitement, la montée en puissance défensive vietnamienne.
Pour de nombreux observateurs régionaux, l’achèvement des îlots militarisés vietnamiens pourrait contribuer à rééquilibrer le rapport de forces, sans pour autant déclencher une confrontation directe. L’objectif affiché reste clair : rendre toute action militaire chinoise plus coûteuse, tout en évitant le piège de la surenchère.
Dans une région où la mer devient un instrument de domination politique, le Vietnam avance désormais à visage découvert, convaincu que la passivité serait plus dangereuse que la préparation.


















