Deux conceptions de la laïcité s’affrontent désormais dans le débat public français.
Entre liberté garantie par la loi et interprétations idéologiques, la confusion progresse.
Une hausse objectivée des discriminations religieuses en 2024
Le rapport publié le 4 décembre 2025 par le Défenseur des droits dresse un constat chiffré sans appel : les discriminations fondées sur la religion progressent en France.
Selon l’enquête Accès aux droits 2024, 7 % des personnes interrogées déclarent avoir subi une discrimination religieuse au cours des cinq dernières années, contre 5 % en 2016. Cette hausse est mesurée, documentée et confirmée par plusieurs sources statistiques mobilisées par l’institution indépendante.
Les discriminations religieuses ne relèvent pas d’un ressenti isolé : 31 % des Français déclarent avoir été témoins de discriminations liées à la religion, contre 21 % huit ans plus tôt. Cette progression traduit à la fois une réalité sociale plus tendue et une meilleure identification juridique de ces pratiques, sans extrapolation ni militantisme.
Les domaines concernés couvrent l’ensemble du parcours de vie : éducation, emploi, logement, accès aux services, loisirs, participation citoyenne. Le Défenseur des droits rappelle que la République protège toutes les convictions mais aussi l’absence de conviction dans le strict cadre de l’ordre public et du droit.
Signes religieux : un révélateur central des discriminations
L’analyse du rapport met en lumière un point clé : ce n’est pas la croyance intime qui est ciblée, mais sa visibilité.
Les personnes portant un signe religieux visible déclarent plus de deux fois plus de discriminations que celles qui n’en portent pas (15 % contre 6 %). Cette donnée traverse toutes les confessions, même si l’ampleur varie fortement selon les profils.
Les chiffres sont clairs : 34 % des personnes se déclarant musulmanes ou perçues comme telles rapportent avoir subi une discrimination religieuse, contre 4 % pour les personnes de confession chrétienne. Ces écarts ne sont pas interprétés politiquement par le Défenseur des droits : ils sont statistiquement constatés, sans hiérarchisation victimaire ni déni des autres formes de discrimination.
Le rapport souligne également l’imbrication fréquente entre religion et origine supposée. Dans de nombreux cas, la discrimination repose sur une assignation identitaire, contraire à l’universalisme républicain. Ce mécanisme fragilise la cohésion nationale et nourrit une lecture communautarisée que la droite républicaine combat historiquement.
Laïcité : principe de liberté, non instrument d’exclusion
Alors que la République a célébré les 120 ans de la loi de 1905, le Défenseur des droits rappelle une évidence juridique trop souvent oubliée : la laïcité n’est pas une interdiction générale du fait religieux dans l’espace public.
Or près d’un quart des Français pensent désormais que la laïcité impose l’effacement des signes religieux hors de toute mission de service public. Cette confusion est dangereuse.
La neutralité s’impose à l’État et à ses agents, non aux citoyens dans leur vie sociale ordinaire. Lorsque des règlements internes, des décisions d’employeurs privés ou des pratiques locales étendent abusivement cette obligation, ils créent des discriminations indirectes, juridiquement sanctionnables.
Le rapport met en garde contre une instrumentalisation idéologique de la laïcité, transformée en outil d’exclusion plutôt qu’en garantie de liberté. Cette dérive alimente les tensions, fragilise l’autorité de la règle commune et affaiblit l’État de droit, pourtant pilier du modèle français.
Le rapport 2025 du Défenseur des droits ne plaide ni pour le relativisme ni pour la complaisance. Il rappelle le droit, rien que le droit, dans une France où la laïcité doit rester un principe de liberté, d’ordre et d’équilibre, fidèle à l’esprit de 1905.
À l’heure des surenchères et des postures, ce rappel juridique est salutaire : la République ne protège pas des identités, elle protège des libertés.


















