À Nouméa, la défiance s’installe au cœur d’une institution censée incarner la respectabilité économique.
Quand la justice s’invite à la table consulaire, la question de l’exemplarité ne peut plus être éludée.
Une présidence fragilisée, une morale absente
La Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie traverse une crise de confiance majeure.
En cause : la situation personnelle de son président, David Guyenne, placé en garde à vue dans le cadre d’une affaire portant sur des faits présumés d’abus de biens sociaux et de blanchiment.
La présomption d’innocence s’impose juridiquement ; personne ne la conteste.
Mais la morale publique, elle, obéit à d’autres règles.
Dans une institution consulaire représentant les entreprises, la discrétion aurait dû prévaloir.
Un retrait temporaire, le temps que la justice fasse son travail, aurait envoyé un signal de responsabilité.
Rien de tel ne s’est produit.
Au contraire, David Guyenne s’accroche à son fauteuil, ignorant les dégâts réputationnels causés à l’institution.
Cette posture alimente un malaise profond au sein du monde économique calédonien.
La probité perçue de la CCI-NC est désormais sérieusement entamée.
Et, avec elle, celle des entreprises qu’elle prétend défendre.
Fracture interne : la rupture politique est consommée
La crise n’est plus feutrée : elle est ouverte. Face au refus persistant du président de se mettre en retrait, les élus du groupe Alliance pour la Relance ont annoncé leur retrait du fonctionnement public de la CCI-NC.
Un geste inédit, lourd de sens, qui acte une rupture de confiance. Jamais une chambre consulaire calédonienne n’avait connu une telle déflagration interne. Ce retrait n’est pas symbolique : il est politique.
Il traduit l’impossibilité de continuer à cautionner une gouvernance jugée irresponsable.
Les faits judiciaires existent ; ils sont documentés et ils pèsent. Le déni institutionnel, lui, ne fait qu’aggraver la situation.
À force de refuser toute remise en question, la présidence actuelle isole la CCI-NC.
L’institution, déjà fragilisée par le contexte économique, s’enfonce dans une crise de légitimité.
Une chambre consulaire ne peut fonctionner durablement dans la défiance.
Encore moins lorsqu’elle prétend parler au nom de tout un tissu entrepreneurial.
Diplomatie économique ou fuite en avant ?
Pendant que la CCI-NC se fracture, David Guyenne multiplie les déplacements et les apparitions officielles.
Dernier épisode en date : le mercredi 24 décembre, à l’aéroport de La Tontouta, la CCI-NC a signé un accord de partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie du Vanuatu.
Un protocole présenté comme stratégique. Objectif affiché : renforcer les échanges économiques, commerciaux et d’investissement entre les deux territoires.
Six axes de coopération sont mis en avant :
– développement du commerce et de l’investissement ;
– échanges d’informations économiques et réglementaires ;
– formation professionnelle et montée en compétences ;
– participation conjointe à des salons et événements économiques ;
– organisation de missions économiques ;
– promotion de la langue française et de la francophonie économique.
Sur le papier, l’accord est classique, presque consensuel. Mais le contexte change tout.
Peut-on sérieusement être le VRP des entreprises calédoniennes à l’étranger quand la gouvernance interne est contestée ?
Quelle crédibilité porter à l’international lorsque l’image même de l’institution est écornée ?
La communication institutionnelle évoque un rôle de facilitateur économique. Encore faut-il en avoir la légitimité morale.
Aujourd’hui, cette légitimité est ouvertement remise en cause.
La question n’est plus seulement judiciaire. Elle est politique, éthique et économique.
En s’exposant à l’international sans régler la crise interne, la CCI-NC donne le sentiment d’une fuite en avant.
Une stratégie qui pourrait coûter cher, non pas à un homme, mais à l’ensemble des entreprises néo-calédoniennes.
La question est désormais posée clairement : la CCI-NC peut-elle encore prétendre incarner l’exemplarité et défendre l’image économique du territoire ?
















