Le classement est désormais officiel et il bouscule les équilibres établis. En 2025, CNews s’impose comme la première chaîne d’information en continu de France. Une première historique sur une année complète, qui dépasse la seule bataille des chiffres et ravive une fracture idéologique déjà profonde dans le paysage audiovisuel français.
Une victoire d’audience inédite sur une année pleine
Selon les données publiées par Médiamétrie, CNews atteint 3,4 % de parts d’audience en 2025, devançant BFM-TV à 2,8 %. En 2024, les deux chaînes faisaient encore jeu égal.
Cette fois, la chaîne du groupe Canal+ s’installe seule au sommet, devenant la sixième chaîne nationale, à seulement 0,1 point derrière France 5. TF1 conserve, elle, une large avance avec 18,7 % de parts d’audience.
Moins de téléspectateurs, mais plus de fidélité
Paradoxalement, BFM-TV continue de toucher un public plus large en volume. En décembre, la chaîne revendique environ 45 millions de téléspectateurs, contre 39 millions pour CNews.
La différence se joue ailleurs : la durée d’écoute. Les téléspectateurs de CNews restent plus longtemps devant l’antenne, un critère décisif dans le calcul des parts d’audience. Un modèle assumé, fondé sur des programmes incarnés et des débats de plateau très identifiés.
Une chaîne d’information au positionnement assumé
Lancée en 1999 sous le nom i>Télé avant de devenir CNews, la chaîne s’est progressivement transformée en média d’information continue centré sur le débat et l’opinion. Appartenant au groupe Canal+, elle repose aujourd’hui sur une grille largement structurée autour de programmes incarnés, où les éditorialistes occupent une place centrale. CNews privilégie les formats longs, les échanges contradictoires et une forte personnalisation de l’antenne, avec des émissions quotidiennes axées sur l’actualité politique, sociale et sécuritaire. Cette ligne éditoriale, assumée par la direction, tranche avec le modèle plus factuel des chaînes concurrentes et explique en partie la fidélisation d’un public attaché à une lecture engagée de l’actualité.
Pour Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, il n’y a pas d’ambiguïté.
C’est la plus belle des réussites. CNews est en progression constante et a trouvé son positionnement éditorial
a-t-il déclaré à l’AFP. L’identité de CNews repose largement sur ses animateurs et éditorialistes, devenus de véritables marques d’antenne. Pascal Praud incarne la tranche matinale avec une émission centrée sur le débat politique et sociétal, fondée sur la confrontation d’opinions. En soirée, Christine Kelly anime un programme quotidien où les questions identitaires, sécuritaires et institutionnelles occupent une place centrale. Sonia Mabrouk s’est imposée comme une figure de l’interview politique, connue pour un style direct et sans concession. La chaîne s’appuie également sur Laurence Ferrari, dont les émissions de débat en prime time participent à la forte fidélisation du public. Ce choix assumé de programmes incarnés confère à CNews une identité éditoriale stable, reconnaissable et clivante, qui structure son succès d’audience.
Ce succès d’audience ne se fait pas sans controverse. CNews est régulièrement accusée par des responsables politiques de gauche de promouvoir des idées d’extrême droite. Une accusation que la chaîne rejette.
En septembre, dans un contexte de tensions entre médias publics et groupes privés, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, a franchi un cap en qualifiant publiquement CNews de « chaîne d’extrême droite ».
Audiovisuel public contre médias privés
Quelques semaines plus tard, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’audiovisuel public, Delphine Ernotte Cunci a estimé que France Télévisions et CNews ne « faisaient pas le même métier ». Elle a même évoqué une évolution de la loi pour reconnaître officiellement des « chaînes d’opinion ».
Une proposition qui rejoint, paradoxalement, la ligne défendue par CNews elle-même. En septembre, son président Serge Nedjar assumait cette orientation :
Nous sommes une chaîne d’opinions, avec un S. On ne roule pour personne
déclarait-il au Figaro.
Des soutiens affirmés dans le monde politique et intellectuel
Le succès de CNews s’appuie également sur des soutiens assumés de personnalités politiques, intellectuelles et médiatiques, principalement situées à droite et à l’extrême droite de l’échiquier politique. Plusieurs responsables politiques ont publiquement salué l’antenne pour ce qu’ils décrivent comme une « liberté de ton » ou un « pluralisme absent ailleurs ». Éric Zemmour, ancien éditorialiste de la chaîne, a largement contribué à sa visibilité avant son entrée en politique. D’autres figures, comme Marine Le Pen ou Jordan Bardella, reconnaissent régulièrement l’importance de CNews dans le débat public. Dans le champ intellectuel, des essayistes et polémistes proches de la chaîne défendent son rôle comme contrepoids à l’audiovisuel public, qu’ils jugent idéologiquement homogène. Ces soutiens, revendiqués ou implicites, participent à ancrer CNews comme un média d’opinion à part entière dans le paysage audiovisuel français.
Un succès qui dépasse la simple audience
Derrière les chiffres, le leadership de CNews agit comme un révélateur. Il met en lumière la défiance d’une partie du public envers l’audiovisuel public et la demande croissante pour des médias plus incarnés, plus polarisés, plus combatifs.
Le succès de CNews s’inscrit ainsi dans une recomposition plus large du paysage médiatique français, où la neutralité revendiquée ne suffit plus toujours à capter l’attention.
En devenant la première chaîne d’information de France, CNews franchit un cap symbolique. Ce leadership, salué par ses dirigeants et contesté par ses détracteurs, pose une question centrale : l’avenir de l’information passe-t-il désormais par des chaînes d’opinion assumées ? Une chose est sûre, le débat est loin d’être clos.
















