Le général Matthéos tire sa révérence après les émeutes de mai 2024.
Un territoire fracturé dès son retour
Le général Matthéos quitte la Nouvelle-Calédonie avec émotion. À la tête de la gendarmerie depuis 2022, il a vécu les heures les plus sombres du territoire depuis les années 1980. Lorsqu’il reprend ses fonctions, il retrouve une île profondément transformée depuis son précédent passage entre 2004 et 2007. Déjà, en octobre 2021, à quelques semaines du dernier référendum, les tensions sont vives.
Problèmes économiques, jeunesse déracinée, défiance envers les institutions : la fracture est là. « La jeunesse posait déjà problème, mais elle est devenue incontrôlable », note-t-il. Pour lui, tout se joue entre 2023 et mai 2024, une période jalonnée de blocages miniers, d’affrontements locaux, et de colère sociale.
Mai 2024 : la sidération et le feu
C’est le 13 mai 2024 que tout bascule. Une explosion de violences insurrectionnelles que le général qualifie de « sans précédent ». Près de 600 gendarmes blessés, deux morts dans ses rangs, et une mobilisation exceptionnelle de moyens de l’État. Pourtant, il ne doute jamais.
Je savais que nous aurions le dernier mot. L’État a tenu.
Pour éviter un basculement vers la guerre civile, la stratégie a reposé sur la montée en puissance, le discernement dans l’usage de la force, et un travail en coopération avec les coutumiers. Ces derniers ont joué un rôle-clé dans certaines redditions, permettant de limiter les pertes humaines. « Nous sommes des soldats de la paix, pas des brutes. »
Le général évoque une jeunesse de Saint-Louis « en guerre contre les gendarmes », qui voulait tuer. Saint-Louis, encore une fois, centre de toutes les attentions.
«Tout commence et tout finit à Saint-Louis. Chaque crise y est plus violente que la précédente.
Reconstruire le lien et préparer l’après
Un an après les émeutes, le calme est revenu mais pas la sérénité. Le bruit de fond de la délinquance persiste. Cambriolages, agressions, incendies… « Cette jeunesse est plus décomplexée qu’avant, elle cherche le contact avec les gendarmes, comme une preuve de virilité. »
Le verrou de Saint-Louis est maintenu. Dispositif exceptionnel, unique en France, il permet de bloquer la circulation en cas de menace. Il restera, sur ordre du Haut-Commissaire.
Malgré tout, le général reste confiant dans l’avenir.
J’ai foi dans la résilience des Calédoniens.
Il salue une terre « riche de ses mélanges », un territoire « à aimer avec la tête et avec le cœur ». Son émotion est palpable lorsqu’il évoque sa fille née à Nouméa. Et lorsqu’il parle de son successeur, le général Haouchine, il glisse un conseil :
La Calédonie, ça s’apprivoise.