Les urgences débordent, les soignants fuient et les patients attendent des heures pour une consultation.
Face à un système de santé à bout de souffle, le gouvernement calédonien choisit enfin l’action.
Moderniser les professions de santé pour briser la pénurie
La crise sanitaire du Covid-19, suivie par les émeutes de mai 2024, a laissé des traces profondes dans le paysage médical. Longtemps attractif pour les praticiens, le territoire a vu ses effectifs s’éroder, minés par l’insécurité, les lourdeurs administratives et le manque de reconnaissance. Le gouvernement répond par une réforme ambitieuse, examinée le 1er octobre 2025 en collégialité, qui vise à élargir les compétences des soignants et à simplifier leur installation.
Les sages-femmes ne seront plus cantonnées à la maternité : elles pourront vacciner l’ensemble de la population, prescrire jusqu’à 30 jours d’arrêt de travail et traiter des infections sexuellement transmissibles. Une révolution silencieuse pour un métier trop souvent sous-estimé.
Les pharmaciens, eux, verront leur rôle renforcé avec la possibilité d’administrer des vaccins, tout en étant soumis à un meilleur encadrement. De leur côté, les infirmiers gagneront en autonomie : consultations, prescriptions ciblées, voire constatation des décès en l’absence de médecin. Le texte va jusqu’à autoriser les pratiques avancées en milieu scolaire ou dans les services de protection de l’enfance, avec des infirmiers spécialisés.
Enfin, ce projet autorise désormais l’exercice de diplômés étrangers, en particulier manipulateurs radio, pour pallier le déficit criant de certaines spécialités. Le gouvernement supprime des discriminations inutiles, comme la référence obligatoire aux ressortissants européens. Son objectif est clair : attirer les talents avant qu’il ne soit trop tard.
Plus de flexibilité pour attirer et retenir les soignants
La pénurie médicale est aujourd’hui une réalité brutale pour les familles calédoniennes. Les files d’attente s’allongent, les rendez-vous se décalent, les déserts médicaux s’installent. Le projet de loi s’attaque à ce défi en facilitant les conditions d’exercice.
Concrètement, le délai minimal pour passer du salariat au libéral sera réduit de trois à deux ans. Objectif : accélérer l’autonomie des soignants et renforcer l’offre de proximité. Un nouveau statut de collaborateur libéral non salarié sera créé, permettant une transition progressive vers l’indépendance, sans lien de subordination mais dans un cadre légal.
En parallèle, la réforme encadre les collaborations pour éviter les dérives. L’idée est claire : créer un environnement attractif, souple, mais ordonné. Un choix de raison dans un pays où les démissions se multiplient et où l’exode des jeunes diplômés menace l’avenir du système.
Rationaliser la dépense et protéger les patients
Réformer la santé ne signifie pas seulement recruter. Cela suppose aussi de contrôler les abus et de mieux gérer l’argent public. Sur ce point, le gouvernement assume une ligne ferme.
Le texte donne une base législative au contrôle médical, chargé de vérifier la légitimité des arrêts maladie et prescriptions. Les employeurs pourront même saisir ce service en cas de doute, avec l’aval de la CAFAT. Autre mesure phare : instaurer une procédure conservatoire en cas de prescriptions jugées excessives. Les praticiens concernés devront obtenir un accord préalable, pour une durée de six mois.
Les sanctions seront également renforcées : des amendes administratives sont prévues pour les arrêts ou prescriptions injustifiées. Une décision courageuse, qui vise à responsabiliser les professionnels sans pour autant entraver leur mission.
Pour les patients, la réforme introduit le tiers payant intégral sur certains examens (imagerie, biologie), avec possibilité d’élargissement expérimental. Une avancée concrète, qui soulagera le budget des ménages tout en améliorant l’accès aux diagnostics.
La loi encadre aussi la transition numérique : hébergement local des données de santé, agréments délivrés par le gouvernement, certification obligatoire. En clair, la souveraineté sanitaire s’affirme face aux multinationales du numérique. Enfin, des stocks de sécurité obligatoires seront instaurés dans toute la chaîne pharmaceutique, garantissant la continuité des traitements vitaux.
Ce projet de loi n’est pas un simple ajustement technique. Il incarne une volonté politique : redresser un système de santé affaibli, protéger les patients et restaurer la confiance des soignants. En conjuguant attractivité, fermeté et modernisation, la Nouvelle-Calédonie se dote d’outils puissants pour sortir de l’ornière.
La réforme n’évitera pas toutes les difficultés, mais elle trace une ligne claire : celle d’un territoire qui refuse la résignation et qui assume un choix d’avenir. Dans un monde où la santé est devenue un champ de bataille, la Nouvelle-Calédonie entend bien rester debout.