Derrière les mots « dialogue », « consensus » et « paix », le discours tenu par Marie-Pierre Goyetche au nom du FLNKS laisse un malaise profond. À écouter ces interviews récentes, une question s’impose : comment prétendre rassembler un pays en brandissant l’indépendance comme unique issue, sans jamais assumer ses contradictions ni ses conséquences ?
Fermer la parenthèse coloniale
répète-t-elle. Mais à force de slogans, le fond disparaît.
Le faux dialogue : parler, mais seulement pour imposer
La représentante du FLNKS affirme vouloir « reprendre les discussions de façon loyale » avec l’État, tout en précisant aussitôt que ce dialogue n’a qu’un seul objectif : la « pleine souveraineté ». Une ouverture de façade, aussitôt refermée.
Cette posture est fondamentalement contradictoire : appeler au dialogue tout en refusant toute alternative à l’indépendance revient à nier le principe même de discussion. Comme elle le martèle :
On doit devenir un État indépendant
Où est alors la place du compromis ?
Le consensus introuvable, mais toujours exigé
Le mot « consensus » est invoqué à répétition, notamment pour rejeter Bougival. Pourtant, le FLNKS refuse d’appliquer ce même principe à sa propre ligne politique.
Il n’y a pas consensus
affirme Mme Goyetche à propos du vote du Congrès, oubliant que l’indépendance elle-même a été rejetée à trois reprises par référendum, fait politique majeur soigneusement éludé.
En dénonçant un « coup de force » de l’État, elle feint d’ignorer que la légitimité démocratique repose sur les urnes, pas sur des lectures idéologiques sélectives de l’accord de Nouméa, pourtant cité à chaque phrase :
L’accord de Nouméa dit les choses, c’est clair
Clair, vraiment, quand il parle aussi de destin commun ?
L’économie : des certitudes sans démonstration
Interrogée sur les 180 milliards de francs de dépenses de l’État, Mme Goyetche esquive d’abord la question, préférant interroger les « intérêts » supposés de la France. Puis elle tranche :
On est capable de gérer notre pays
Une affirmation péremptoire, jamais étayée. Aucune projection budgétaire, aucun modèle économique précis, seulement une foi quasi incantatoire dans la gestion des ressources minières et maritimes.
La France sera toujours présente pour travailler avec nous
ajoute-t-elle, sans expliquer pourquoi un État quitterait le pays tout en continuant à en financer les fonctions régaliennes. Là encore, le discours se contredit.
Compétences régaliennes : l’illusion de souveraineté à crédit
Marie-Pierre Goyetche explique vouloir « aller chercher les compétences régaliennes » afin d’être libre de coopérer avec d’autres pays. L’argument se veut moderne, presque pragmatique. Il est surtout profondément déconnecté des réalités financières.
Comment revendiquer la police, la justice, la diplomatie ou la défense quand la collectivité peine déjà à financer correctement ses compétences actuelles, largement soutenues par l’État ? Revendiquer davantage de charges sans assumer les moyens correspondants relève d’une logique d’enfantillage politique : vouloir plus de pouvoir sans le coût, plus de liberté sans la responsabilité.
Le FLNKS promet la souveraineté tout en conservant, en filigrane, l’aide et la présence françaises pour combler les déficits. Autrement dit, tout prendre sans jamais payer, une incohérence que le discours ne parvient plus à masquer.
Une paix invoquée, mais un discours de fracture
La conclusion se veut rassurante :
Je n’aspire certainement pas au chaos de mon pays
Pourtant, qualifier en permanence l’État de « colonisateur », dénoncer des « déportations inhumaines », et présenter l’indépendance comme une obligation morale crée un climat de tension permanente, loin de l’apaisement promis.
En appelant les Calédoniens à « venir avec nous », le FLNKS oublie qu’une large partie de la population ne se reconnaît pas dans ce projet exclusif. Le vivre-ensemble ne se décrète pas à coups d’anathèmes historiques ; il se construit par la responsabilité et la maturité politique.
Le discours de Marie-Pierre Goyetche n’est pas seulement incohérent, il est dangereux. À force de refuser toute alternative, le FLNKS enferme la Nouvelle-Calédonie dans une logique de confrontation stérile, loin de la paix civile qu’il prétend défendre. Ce que beaucoup pensent sans oser le dire : ce n’est pas l’État qui bloque le dialogue, mais un discours figé, incapable de regarder la réalité en face. Le pays mérite mieux qu’un slogan répété jusqu’à l’usure.

















