Encore une fois, le débat public français est rattrapé par le réel.
Loin des slogans et des postures, une commission parlementaire met noir sur blanc ce que beaucoup refusaient encore de voir.
Une commission d’enquête exceptionnelle par son ampleur et sa méthode
Au terme de vingt-neuf auditions et de plusieurs mois de travaux, la commission d’enquête parlementaire sur les liens entre représentants politiques et organisations soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste a rendu ses conclusions le mercredi 17 décembre. Le rapport, rédigé par Matthieu Bloch, député de l’Union des droites pour la République, compte près de 650 pages et s’appuie sur un corpus inédit d’auditions, de notes des services de renseignement et d’analyses universitaires.
Créée à l’initiative de Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine, la commission a connu une genèse difficile, marquée par des contestations politiques internes. Elle a néanmoins auditionné des responsables politiques de premier plan, des directeurs des services de renseignement, des préfets, ainsi que des chercheurs spécialistes de l’islamisme politique. L’audition de Jean-Luc Mélenchon, début décembre, a cristallisé l’attention médiatique et illustré la sensibilité du sujet.
Le rapport s’inscrit dans la continuité directe du document publié en mars par le ministère de l’Intérieur sur l’influence des Frères musulmans en France. Il confirme que l’islamisme politique ne relève pas d’une dérive marginale, mais d’une stratégie structurée, progressive et méthodique visant à infléchir les décisions publiques et à remettre en cause les principes républicains.
La France insoumise pointée pour des complaisances documentées
Le rapport met particulièrement en cause La France insoumise, évoquant des liens jugés avérés entre certains de ses représentants et des individus ou organisations relevant de l’islamisme politique. Matthieu Bloch dénonce une « proximité affichée » avec des acteurs identifiés par les services de l’État comme appartenant à des réseaux islamistes ou gravitant dans leur orbite idéologique.
Selon le rapport, cette proximité se serait nettement renforcée depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël, certains élus ayant placé la cause palestinienne au cœur de leur discours politique dans une logique d’instrumentalisation idéologique. Le texte cite notamment l’eurodéputée Rima Hassan et le député Thomas Portes, évoquant une radicalisation du discours et une convergence avec des narratifs portés par des mouvances islamistes.
Le rapporteur estime que la stratégie électoraliste de LFI a conduit certains élus à des « signes de complaisance, voire de soutien actif » à l’égard d’individus proches de l’islamisme politique. Il souligne également une approche qualifiée de clientéliste à destination de l’électorat musulman, faisant de LFI une cible privilégiée des stratégies d’entrisme.
Le rapport insiste sur un point central : l’amalgame volontairement entretenu entre islam et islamisme.
Prétendant défendre les musulmans, certains élus soutiennent en réalité des individus proches des mouvements islamistes, écrit Matthieu Bloch, rappelant que l’islamisme constitue une idéologie politique incompatible avec la laïcité et l’universalisme républicain.
Un phénomène transversal qui place les élus en première ligne
La commission ne limite pas ses constats à un seul mouvement politique. Le rapport souligne que la plupart des formations de gauche peuvent, à des degrés divers, établir des convergences militantes avec la mouvance islamiste. Des contacts existent également, plus ponctuellement, au sein de partis du centre et de la droite, principalement au niveau local, et marginalement dans certains cercles d’extrême droite autour d’un antisémitisme partagé.
Le rapport met en garde contre un « jeu dangereux » dans lequel certains élus, par leur présence ou leur silence, peuvent cautionner des discours portant atteinte aux principes de la République. Les élus nationaux et locaux sont désormais en première ligne, parfois par méconnaissance des finalités poursuivies, parfois par opportunisme électoral.
La commission introduit toutefois une nuance essentielle : certaines décisions légales, prises avec l’appui des services de l’État, peuvent conduire à des accusations injustifiées de clientélisme ou de complicité. C’est pourquoi le rapport préconise de renforcer l’information et l’accompagnement des élus locaux, notamment par une relation institutionnalisée avec les préfets.
À l’approche des élections municipales de 2026, la vigilance est jugée indispensable. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, estime que la probabilité d’entrisme dans les listes électorales est « assez forte », même si la constitution de listes communautaires devrait rester marginale.
Trente-deux recommandations pour un sursaut républicain
Le rapport est sans ambiguïté :
l’islamisme politique est une menace sérieuse pour nos institutions.
Il pointe les limites de l’arsenal juridique actuel et formule trente-deux recommandations destinées à renforcer l’action de l’État.
Parmi les mesures préconisées figurent le renforcement des prérogatives des services de renseignement, un contrôle accru des subventions versées aux associations, le durcissement des dispositifs de gel des avoirs, ainsi qu’une meilleure sélection des candidats au sein des partis politiques. Le rapport propose également d’interdire formellement aux ministres du culte de diffuser des consignes électorales dans les lieux de prière.
Il insiste enfin sur la porosité de secteurs stratégiques éducation, universités, monde associatif et sportif, réseaux sociaux identifiés comme des terrains privilégiés de diffusion de l’idéologie islamiste, notamment par des réseaux proches des Frères musulmans.
Sans surprise, La France insoumise conteste en bloc les conclusions, dénonçant une commission « partiale et partielle » et affirmant que les auditions n’auraient établi aucune preuve de connivence. Une réaction attendue, qui contraste avec la densité factuelle et documentaire du rapport.
Une certitude s’impose désormais : le déni n’est plus une option. Ce rapport parlementaire marque un tournant politique majeur et pose une question centrale à la République : saura-t-elle opposer à l’islamisme politique une réponse ferme, cohérente et durable, fidèle à ses principes et à l’État de droit ?

















