Il n’y a plus d’effet de surprise. Il n’y a plus d’illusion non plus. En 2025, le système de santé calédonien n’a pas seulement été sous tension : il a tenu par habitude, par dévouement, parfois par miracle.
Une crise structurelle devenue permanente
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Départs massifs d’infirmiers, pénurie de médecins dans les zones rurales et périurbaines, désorganisation progressive des structures publiques. L’année 2025 s’inscrit dans la continuité directe de 2024, mais avec une accélération brutale.
Les conséquences des émeutes ont fissuré un peu plus un édifice déjà fragilisé. Dans certains établissements, la perte de capacité atteint 40 %, entraînant des suspensions d’admissions planifiées, à l’exception de l’oncologie. Les services d’urgences, eux, continuent d’absorber un flux constant de patients avec des équipes amputées : –16 % d’effectifs infirmiers, un chiffre lourd de sens sur le terrain.
Cette réalité touche désormais l’ensemble des provinces, sans exception. La désertification médicale n’est plus un risque futur, c’est une situation installée.
Des conséquences humaines insoutenables
En province Nord, le constat est glaçant. Entre juin et novembre, deux personnes sont décédées devant l’hôpital de Koumac, fermé faute de personnel. Le matériel était là. Les murs étaient équipés en oxygène. Les thérapeutiques existaient. Les compétences aussi. Mais elles ne pouvaient plus être mobilisées.
Un médecin généraliste formé aux urgences ne peut plus exercer comme urgentiste. L’absurde est devenu la règle. Selon plusieurs témoignages concordants, le nombre de décès liés à un défaut de prise en charge aurait doublé en 2025 par rapport à 2024 en province Nord. Une réalité tue, étouffée par une forme d’omerta.
Les soignants restés sur place tentent de tenir, souvent à bout de forces. Les centres médico-sociaux encaissent de plein fouet cette désertification, tandis que la chaîne de soins se fragmente jour après jour.
Insécurité, découragement et absence de cap
Face à l’urgence, des annonces ont été faites au plus haut niveau de l’État. Manuel Valls s’est engagé à soutenir le territoire par la mise à disposition de personnels soignants. Une réponse nécessaire, mais ponctuelle, qui ne règle pas la racine du problème.
Car le malaise va bien au-delà de la question salariale. Les soignants le disent sans détour : le cadre de vie et la sécurité sont devenus centraux. Cambriolages, insultes, agressions physiques rythment le quotidien de ceux qui continuent d’exercer.
La ligne rouge est franchie lorsque les SMUR sont caillassés à deux reprises en pleine évacuation sanitaire. Résultat : suspension des interventions nocturnes pour protéger les équipes. Désormais, le passage par le 15 devient obligatoire avant toute prise en charge vers le seul hôpital entièrement équipé du territoire. Un exercice d’équilibriste, où sauver des vies expose aussi ceux qui tentent de le faire.
À 100 ou 150 km/h, une pierre projetée n’est plus une intimidation. C’est une menace mortelle.
La santé calédonienne paie aujourd’hui l’absence de réforme globale, dans un contexte économique morose et face à une concurrence féroce de l’Hexagone pour attirer les soignants.
Sans vision d’ensemble, sans sécurité garantie, sans stratégie d’attractivité claire, 2026 ressemble déjà à l’année d’une rupture durable de l’offre de soins.
La santé n’est plus un simple secteur en difficulté. Elle est devenue un signal d’alarme majeur pour l’avenir du territoire.

















