Par une plume concernée
Alors que la Nouvelle-Calédonie traverse l’une des périodes les plus tendues de son histoire récente, certains partis cherchent à reprendre la lumière. Le dernier communiqué de Calédonie Ensemble, titré « Marine Le Pen 4 – FX Bellamy 0 », en dit long sur l’état de confusion politique d’un mouvement qui fut autrefois influent. Entre incohérences idéologiques, tentative de retour sur le devant de la scène et lourdes affaires judiciaires, cette prise de parole soulève bien des questions.
Deux formations, deux leaders, deux condamnations (ou presque)
Ce qui frappe d’abord, c’est que Marine Le Pen comme les cadres de Calédonie Ensemble sont tous aujourd’hui aux prises avec la justice.
- Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, a été condamnée le 31 mars dernier à :
- 4 ans de prison, dont 2 ferme aménageables sous bracelet électronique,
- 100 000 euros d’amende,
- 5 ans d’inéligibilité avec application immédiate.
Le tribunal a souligné son « rôle central » dans un système de détournement de fonds du Parlement européen pendant qu’elle y siégeait de 2004 à 2017.
- Du côté de Calédonie Ensemble, le procès des emplois présumés fictifs à la province Sud entre 2014 et 2018 s’est achevé récemment :
- 2 ans de prison ferme ont été requis contre Philippe Gomès, avec bracelet électronique,
- 1 an ferme pour Philippe Michel (ex-président de la province Sud),
- 18 mois avec sursis pour Martine Lagneau,
- Tous risquent également 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire,
- Le parti lui-même fait face à une amende requise de 20 millions CFP.
Le verdict sera rendu le 1er juillet.
Ce parallèle judiciaire donne une tonalité étonnante au communiqué : Calédonie Ensemble, en pleine tempête judiciaire, choisit comme référence morale une personnalité elle-même condamnée pour détournement de fonds publics.
Un parti sans base, en quête de visibilité
Son poids électoral est devenu marginal. Ce communiqué, publié en pleine crise calédonienne, sonne comme une opération de communication de la dernière chance.
Dénigrer François-Xavier Bellamy pour mieux encenser Marine Le Pen ne tient pas tant de la stratégie que de l’opportunisme, voire du calcul désespéré : parler fort pour exister, peu importe le contenu.
Un virage idéologique incompréhensible
Le plus troublant dans cette publication reste la valorisation appuyée de Marine Le Pen, pourtant à des années-lumière de ce que Calédonie Ensemble revendiquait autrefois : défense du consensus, dialogue avec les indépendantistes, respect des accords de Nouméa.
Encenser aujourd’hui la figure de proue de l’extrême droite, au moment même où elle est frappée d’une lourde condamnation pénale, relève soit d’un profond cynisme, soit d’un abandon total de toute cohérence idéologique.
Incohérences et double discours
François-Xavier Bellamy est accusé dans le texte de nier la réalité calédonienne, d’ignorer les subtilités du droit à l’autodétermination. Mais Marine Le Pen, qui a toujours prôné une ligne intransigeante sur l’unité nationale et rejeté toute légitimité aux référendums d’autodétermination, serait quant à elle… clairvoyante ?
Une telle posture revient à critiquer la forme d’un discours pour mieux promouvoir un fond encore plus rigide. Cela fragilise toute crédibilité politique.
Une formation à la dérive
Ce communiqué illustre moins une analyse politique qu’une tentative de sauver un nom devenu sans contenu. En l’espace de quelques pages, Calédonie Ensemble :
- renonce à son positionnement historique,
- enterre toute perspective d’unité politique locale,
- et s’accroche à la figure d’une opposante radicale à la décolonisation, condamnée par la justice.
Une chose est claire : les valeurs que CE prétendait porter sont aujourd’hui totalement diluées. Le verdict du 1er juillet, qu’il concerne Marine Le Pen ou les dirigeants de Calédonie Ensemble, viendra peut-être sceller une page de l’histoire politique calédonienne. Mais ce communiqué, lui, l’a déjà refermée.