Ils ont voulu mêler deux drapeaux. Ils y ont laissé des millions.
Le permis de conduire calédonien devient enfin neutre, après plus d’un an de bras de fer judiciaire.
Un permis à deux drapeaux qui divise la Calédonie
Tout est parti d’une décision politique malheureuse, signée le 5 juillet 2023 par le gouvernement de Louis Mapou et par le membre en charge des transports, Gilbert Tyuienon. Dans son arrêté n° 2023-1631, l’exécutif local imposait un modèle de permis de conduire arborant côte à côte le drapeau tricolore et celui du FLNKS. Une cohabitation symbolique présentée comme un « geste d’équilibre », mais vécue comme une provocation par une partie des Calédoniens.
Face à cette dérive identitaire, six citoyens ont saisi la justice : Mme Nina J., Mme Cynthia J., Mme Laure M., M. Nicolas M., M. Gaël M. et M. Loïc B., tous issus des rangs de Générations NC. Tous dénonçaient une entorse flagrante au principe de neutralité républicaine.
Le 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Nouméa a annulé la disposition litigieuse et enjoint le gouvernement de mettre en circulation, avant le 1er janvier 2025, un nouveau permis dépourvu du drapeau du FLNKS. Une injonction claire, assortie d’une astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard. L’État de droit, cette fois, a parlé.
Des retards, des amendes et 26 millions envolés
Mais entre la loi et la volonté politique, le fossé s’est creusé. Le gouvernement calédonien a tardé à exécuter la décision, multipliant les justifications et les reports. Résultat : les juges ont dû hausser le ton. En avril 2025, une première liquidation d’astreinte tombe : 700 000 francs pour les plaignants, 10 millions versés au budget de l’État.
Rien n’y fait. En août 2025, la patience du tribunal s’épuise : une nouvelle sanction est prononcée, cette fois à raison de 600 000 francs CFP par jour de retard. L’addition devient astronomique. Au total, près de 26 millions de francs ont été engloutis à cause d’un entêtement politique, payés par les contribuables d’une collectivité déjà exsangue.
Pendant ce temps, le symbole républicain continuait d’être associé à un drapeau militant, en violation d’un jugement exécutoire. Pour beaucoup, cette affaire a incarné la dérive d’un pouvoir local plus soucieux de flatter une frange indépendantiste que de respecter l’autorité de la République.
Le retour à la raison : un permis neutre et une justice satisfaite
Il aura fallu attendre le 27 août 2025 pour que l’exécutif calédonien se résolve enfin à agir. Ce jour-là, le président du gouvernement informe officiellement le tribunal qu’un nouveau modèle de permis de conduire, neutre, est désormais en circulation. Une campagne de communication suit, offrant l’échange gratuit des anciens permis frappés du drapeau du FLNKS.
Le 21 octobre 2025, le tribunal administratif rend sa décision finale : le jugement du 18 juillet 2024 est pleinement exécuté, et l’astreinte de 600 000 francs par jour n’a plus lieu d’être liquidée. La République, cette fois, a été respectée.
Ce retour à la neutralité est plus qu’un détail administratif : c’est une victoire symbolique des Calédoniens sur le clientélisme identitaire. Un rappel que la Nouvelle-Calédonie, même dans son autonomie, demeure sous le pavillon tricolore, et que les institutions ne peuvent s’affranchir de la loi républicaine.
Pour les Calédoniens, l’épisode laisse un goût amer : des millions perdus, des mois de confusion et une fracture politique toujours béante. Mais il a au moins le mérite d’une leçon : le droit républicain n’est pas négociable.
Le jugement du tribunal administratif de Nouméa :















