Chaque 1er décembre, la planète s’arrête brièvement pour rappeler une réalité trop vite refoulée : le VIH n’a pas disparu, ni en Europe, ni dans le Pacifique, ni sur l’ensemble des territoires ultramarins. Derrière les campagnes officielles, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la maladie continue de progresser silencieusement, portée par la baisse de vigilance, la fatigue des systèmes de santé et l’effacement progressif du sujet dans l’espace public. Dans un monde saturé d’urgences, le World AIDS Day est devenu un test : celui de notre capacité à rester lucides.
Un combat mondial qui s’essouffle
Plus de 39 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le VIH selon l’ONU. Près de 1,3 million en contractent encore chaque année. À l’échelle mondiale, les progrès sont réels, traitements plus rapides, prévention élargie, dépistage facilité mais les inégalités explosent : l’accès aux soins reste un luxe dans de nombreuses régions d’Afrique, d’Asie du Sud ou du Pacifique.
Le constat est brutal : malgré les innovations, 620 000 décès liés au sida ont encore été enregistrés en 2024. Une statistique qui confirme que le VIH n’est pas qu’une maladie, mais un révélateur de fractures géopolitiques, économiques et sociales.
Dans les pays riches, on parle de « maladie chronique ». Ailleurs, on se bat encore pour survivre.
Stigmatisation, silence, tabous : le virus social qui persiste
Le VIH tue moins qu’avant, mais il isole toujours autant. Dans de nombreux pays, la peur du jugement, l’homophobie, les freins culturels et la désinformation continuent de décourager des milliers de personnes du dépistage. Les ONG le répètent : le virus de la honte circule plus vite que le virus lui-même. Et quand la société détourne les yeux, les contaminations repartent. Le tabou tue autant que la maladie.
Comparaison : où en est réellement la Nouvelle-Calédonie ?
Sur le Caillou, la situation est très différente des grandes régions du monde, mais elle n’est pas moins préoccupante. Les chiffres locaux montrent une stabilité apparente, mais une tendance en trompe-l’œil : chaque année, la Nouvelle-Calédonie enregistre entre 40 et 60 nouveaux cas selon les données des campagnes de prévention locales.
Rapporté à la population, cela place le territoire au-dessus de la moyenne française, un paradoxe rarement évoqué dans le débat public.
Autre phénomène propre au territoire : le dépistage insuffisant chez les jeunes adultes, souvent par manque d’information ou par gêne sociale. Le sujet reste encore peu discuté en tribu, discret dans les familles et parfois associé à des stéréotypes culturels qui freinent la prévention.
Enfin, les associations tirent la sonnette d’alarme : le VIH progresse davantage dans les zones rurales que dans le Grand Nouméa, où les dispositifs de dépistage sont plus accessibles.
La Calédonie n’est pas en retard en matière de traitements, mais elle reste en première ligne sur les vulnérabilités sociales, comme nombre de territoires ultramarins.
La Journée mondiale de lutte contre le sida n’est pas un rituel symbolique. C’est un rappel brutal : le VIH continue d’avancer quand les sociétés relâchent leurs défenses. Dans le monde comme en Nouvelle-Calédonie, le premier danger n’est plus médical : c’est l’oubli.
En ce 1er décembre, la question n’est plus « que faisons-nous ? » mais :
combien de temps encore accepterons-nous que le sida reste un sujet tabou alors qu’il pourrait être vaincu ?

















