Ils avaient promis un accord solide, une sortie de crise, un cap. Aujourd’hui, ces mêmes responsables politiques jouent avec les nerfs d’un territoire déjà épuisé.
Et, pendant que certains signataires de Bougival sabotent tout compromis, les Calédoniens attendent une seule chose : de la visibilité pour vivre, investir et enfin se projeter.
UN ACCORD OFFICIELLEMENT VIVANT, MAIS SABOTÉ PAR CEUX QUI L’ONT SIGNÉ
Personne n’ose le dire ouvertement, mais tout le monde le voit : l’accord du 12 juillet dernier se fissure de l’intérieur. Non pas sous les coups de ses adversaires, mais sous les ambiguïtés de ceux qui l’ont signé, notamment l’Éveil océanien et Calédonie ensemble.
La commission de la réglementation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, du 27 novembre, censée préparer la consultation de mars 2026, a exposé ces fractures. L’absence du groupe UNI, loin d’être un simple incident, révèle une volonté claire : faire capoter le compromis sans le dire explicitement.
Plus grave encore : certains acteurs qui se présentaient comme les artisans de Bougival multiplient désormais les réserves, les blocages, les demandes de réécriture. Une stratégie lisible : repousser, embrouiller, étirer le calendrier. En clair, tuer l’accord à petit feu tout en prétendant le défendre.
Pendant ce temps, le territoire suffoque. Les ménages veulent du pouvoir d’achat, pas des tactiques politiciennes. Les entrepreneurs veulent investir, pas naviguer à vue.
C’est dans ce contexte que la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a décidé de freiner. « Donner du temps au temps », dit-elle. En réalité, elle tente surtout d’éviter que le processus ne s’effondre sous les contradictions de ceux qui devraient le porter.
Le bureau du Congrès a suivi la même logique : reporter. Le vote prévu le 3 décembre glisse désormais au 8 décembre à 14 heures. Un délai nécessaire pour calmer les ardeurs destructrices de certains signataires qui, à force de vouloir « plus encore », risquent de laisser le territoire avec moins que rien.
PARIS DOIT RÉPARER CE QUE LES POLITIQUES LOCAUX ONT BRISÉ
Ce lundi-là, ce n’est pas un symbole qu’on a vu descendre de l’avion, mais un constat d’échec : trois hauts fonctionnaires dépêchés d’urgence. Leur mission : sauver Bougival.
Ils viennent « appuyer l’action du gouvernement pour parvenir à un accord consensuel sur l’avenir du territoire ». Traduction : rattraper les dégâts provoqués par les surenchères politiques locales.
Dans une lettre adressée à la présidente du Congrès, Veylma Falaeo, la ministre demande un délai supplémentaire, soutenu par une saisine modificative. Techniquement, cela repousse l’examen du texte par le Conseil d’État. Politiquement, cela dit très clairement que l’unité autour de Bougival n’existe plus.
Paris cherche à éviter le scénario de 2024 : blocage, crispation, explosion. Mais peut-on sauver un compromis quand certains des signataires ont désormais intérêt à le fragiliser ?
Car le fond du problème est là : plusieurs acteurs politiques ont signé Bougival non pas pour stabiliser le territoire, mais pour garder la main sur les négociations. Aujourd’hui, ils veulent « plus », encore plus : plus de garanties, plus de concessions, plus d’ajustements.
À force de vouloir obtenir l’impossible, ils tirent sur la corde jusqu’à la rupture.
LES CALÉDONIENS, EUX, NE DEMANDENT PAS L’IMPOSSIBLE : JUSTE DE LA VISIBILITÉ
Pendant que certains responsables politiques jouent aux apprentis négociateurs, la population, elle, avance dans l’inconnu.
Les Calédoniens n’attendent pas un énième débat institutionnel : ils attendent de savoir s’ils pourront acheter un logement, lancer une entreprise, planifier un investissement, transmettre un patrimoine.
L’instabilité politique est devenue le premier frein économique du pays.
Les banques hésitent, les investisseurs temporisent, les ménages se crispent. À force de reporter la clarification institutionnelle, certains signataires de Bougival contribuent directement à la stagnation du territoire.
Le projet de loi organisant le référendum du 15 mars 2026 cristallise cette tension.
L’UNI rejette le texte « en l’état ». Calédonie ensemble et l’Éveil océanien expriment leurs réserves. Tous disent vouloir « revoir » ou « réajuster ». En vérité, chacun tente de repositionner ses intérêts politiques avant l’heure décisive.
Mais, pendant qu’ils réajustent, le pays, lui, continue de s’affaiblir.
Les Calédoniens le disent clairement :
– ils veulent de la stabilité ;
– ils veulent de la prévisibilité ;
– ils veulent des institutions qui fonctionnent ;
– ils veulent des perspectives pour leurs enfants.
Pas des jeux d’appareil. Pas des stratégies partisanes. Pas un accord qu’on détricote trois mois après l’avoir signé.
Le 8 décembre sera un test : pas seulement pour le Congrès, mais pour la crédibilité d’un accord déjà mis sous perfusion.
Si les élus continuent de jouer la surenchère, l’accord de Bougival deviendra ce qu’il est en train de devenir : un compromis sacrifié sur l’autel des calculs politiques.
Le 15 mars 2026, les Calédoniens devront se prononcer. Mais pour que ce choix compte, il faut que la classe politique assume ses responsabilités.
Soit elle stabilise le territoire, soit elle l’abandonne au doute.
La Nouvelle-Calédonie n’a pas besoin d’un accord parfait. Elle a besoin d’un accord solide, appliqué, respecté.
Ce que les Calédoniens attendent, c’est simple : de la visibilité, de la sécurité, et la possibilité de se projeter à nouveau dans l’avenir.
Et cela, seuls des responsables politiques courageux pas des stratèges de coulisses peuvent l’offrir.


















