Une économie sous perfusion, les crédits à l’arrêt
C’est un chiffre choc qui résume à lui seul l’état de l’économie calédonienne : -35,1 % de production de crédits sur un an au 1er trimestre 2025. Un recul brutal qui plonge la Nouvelle-Calédonie à un niveau historiquement bas : 17,1 milliards de francs Pacifique de crédits accordés, tous secteurs confondus, hors découverts.
Dans un contexte de blocages politiques, d’instabilité sociale et d’incertitude économique, les banques ferment le robinet du crédit. Et les Calédoniens, entreprises comme ménages, n’osent plus s’endetter. La chute est générale : -31,9 % par rapport au trimestre précédent, soit 8 milliards XPF envolés.
Les particuliers voient leur accès au financement se contracter sévèrement. 6 milliards de XPF seulement ont été accordés, en recul de -28,7 % sur un an. Le secteur de l’immobilier est sinistré : -40,8 % pour les crédits habitat, soit 1,7 milliard de moins. Même les prêts à la consommation baissent : -11,5 % sur un an, -28,6 % sur trois mois.
Entreprises en repli, entrepreneurs en survie
Le choc est encore plus rude pour les entreprises classiques (sociétés non financières) : -39,6 % sur un an, -40,8 % sur un trimestre. En clair : plus aucun moteur ne tourne. Les crédits de trésorerie chutent de -55,6 %, les crédits d’équipement s’effondrent de -34,4 %. Les crédits immobiliers ne représentent plus qu’un résidu marginal (-78,3 %).
Seuls les entrepreneurs individuels sauvent timidement les meubles : production stable sur un an (+0,2 %), et même en hausse de 36,8 % par rapport au trimestre précédent. Une dynamique qui reste très limitée en volume : 0,7 milliard XPF accordés. Pas de quoi inverser la tendance.
Dans un territoire en manque de visibilité, les acteurs économiques préfèrent geler les projets, limiter les risques, se replier. Crise de confiance, crise de financement : la double peine.
Taux en dents de scie, accès au crédit sous tension
Dans ce paysage sinistré, les taux de crédit racontent aussi une autre histoire : celle d’un marché bancal où l’argent est plus rare… et parfois plus cher. Au 1er trimestre 2025 :
Le taux moyen pour les crédits immobiliers baisse légèrement : 4,46 % (-23 pdb), mais reste largement au-dessus de la métropole (3,13 %) ou de la Polynésie (3,45 %).
Les prêts à la consommation flambent : +106 points de base, pour atteindre 6,93 %, contre 6,45 % en métropole.
Les découverts baissent à 11,49 %, mais restent explosivement élevés par rapport à la France (7,52 %).
Autre signe de prudence : le montant moyen d’un crédit immobilier diminue, passant à 22,7 millions XPF (contre 23,4 millions XPF au trimestre précédent). Moins d’ambition, moins de moyens, plus de contraintes.
La Calédonie s’enfonce dans un cycle d’attentisme où l’investissement est mis en pause, la consommation freinée, et l’économie bridée.
Un baromètre alarmant pour l’avenir du territoire
La chute des crédits, c’est l’indicateur avancé d’un ralentissement profond. Ce n’est pas juste une statistique bancaire : c’est un signal rouge pour l’économie. Car moins de crédit, c’est moins d’achat immobilier, moins de consommation, moins d’équipement pour les entreprises. C’est moins de croissance demain.
Les banques calédoniennes se protègent. Les ménages s’inquiètent. Les entreprises réduisent la voilure. Et tout cela dans un contexte où les tensions institutionnelles pèsent déjà sur la stabilité du territoire. La machine économique est grippée, le carburant du crédit manque, et les perspectives sont brouillées.
Si la situation perdure, c’est tout le tissu économique local qui pourrait se déliter, à commencer par les secteurs déjà fragilisés : BTP, commerce, services de proximité. Dans une économie aussi petite que celle de la Nouvelle-Calédonie, chaque choc se propage rapidement.
Pour sortir de l’ornière, il faudra restaurer la confiance, sécuriser l’environnement politique, et redonner de la visibilité aux acteurs économiques. En attendant, le crédit – moteur essentiel de l’activité – est à l’arrêt.