À Lifou, l’hôtel Wadra Bay devait symboliser la renaissance du tourisme. Il est devenu, sous Jacques Lalié, le miroir d’une dérive politique et financière sans précédent.
Un rêve de luxe au cœur des Îles Loyauté, un projet de prestige pour “mettre Lifou sur la carte du monde” : c’est ainsi que Jacques Lalié, alors président de la Province des Îles Loyauté, présentait le Wadra Bay Resort.
Mais derrière les discours grandiloquents, la réalité s’est imposée : un gouffre financier, des partenaires déboussolés, un chantier paralysé et une Province endettée.
Le rêve initial : un modèle local, intelligent et durable
Au départ, le Wadra Bay devait être un contre-modèle du Sheraton de Déva, cet hôtel de 180 clés devenu synonyme d’échec structurel.
Les promoteurs avaient appris de leurs erreurs : trop grand, trop rigide, trop coûteux.
Ils ont donc imaginé un projet à taille humaine : cinquante clés, une architecture conçue par Daniel Leroux, l’architecte du Méridien de l’île des Pins, et un mode de gestion agile, capable d’adapter les effectifs et les charges selon le taux d’occupation.
L’objectif était simple : créer un projet structurellement agile, avec des charges modulées au taux de remplissage, et suffisamment élégant pour être promu à l’international dans les grandes enseignes du tourisme de luxe. Un établissement pensé pour conjuguer sobriété et attractivité, sans jamais perdre de vue la rentabilité.
Le principe était clair : un hôtel élégant mais sobre ; haut de gamme, mais réaliste, adapté au modèle calédonien, à ses contraintes et à ses risques. Le Wadra Bay devait démontrer qu’un tourisme intelligent, local et rentable était possible à Lifou.
Quand le rêve tourne à la mégalomanie
Mais c’était sans compter la folie des grandeurs de Jacques Lalié. En 2022, en plein isolement politique, il décide, sans consulter ni la Province, ni les actionnaires, ni les partenaires bancaires, de signer un contrat avec la chaîne Intercontinental.
Son objectif : faire du Wadra Bay un hôtel cinq étoiles international, et de Lifou une “Bora Bora calédonienne”.
Ce choix, présenté à l’époque comme visionnaire, s’est avéré catastrophique. L’accord imposait des standards et des coûts de fonctionnement hors de portée : plusieurs dizaines de millions de francs CFP par mois, y compris quand l’hôtel était vide.
Résultat : les budgets explosent, la Province s’enfonce et le projet est déclaré en cessation de paiement.
“On a voulu du prestige sans clientèle, du luxe sans économie”, confie un acteur du dossier. “Tout était figé, ingérable, irréaliste.”
En voulant singer les grands hôtels du Pacifique, Jacques Lalié a précipité la Province dans le mur. Le Wadra Bay, conçu comme un modèle d’agilité, s’est retrouvé prisonnier d’un carcan administratif et financier conçu à Paris et à Singapour.
La chute : dettes, blocages et fiasco politique
Les conséquences sont lourdes : plus de un milliard de francs CFP de risques financiers identifiés par la Chambre territoriale des comptes, une perte totale de crédibilité auprès des partenaires publics et privés, et une colère sourde dans les Îles Loyauté, où l’on n’a vu ni les touristes, ni les emplois promis.
Au-delà du scandale financier, le Wadra Bay est devenu le symbole d’une gouvernance déconnectée, où les ambitions personnelles ont pris le pas sur la réalité du terrain.
“On ne gère pas Lifou comme on gère Dubaï”, ironise un ancien élu provincial.
Le tournant : Mathias Waneux ramène le projet à la raison
Élu à la tête de la Province des Îles, Mathias Waneux hérite d’un champ de ruines. Mais au lieu d’enterrer le dossier, il choisit de le sauver. Son approche : pragmatique, méthodique, calédonienne.
Waneux n’invente rien : il revient à la genèse du projet, dans le respect du travail et de la vision de ceux qui l’avaient conçu.
En accord avec les promoteurs et les concepteurs initiaux, il rétablit les fondations d’un modèle qui avait été dévoyé sous la présidence précédente.
Il ne s’agit pas d’un “nouveau Wadra Bay”, mais du retour au vrai projet, celui qui avait été pensé pour durer.
Sous sa direction, le Wadra Bay retrouve son esprit d’origine : cinquante clés, un classement quatre étoiles plus cohérent avec le marché local, des contrats de travail flexibles et des charges proportionnées à l’activité. La gestion est de nouveau pilotée depuis Lifou, par des équipes locales.
La priorité : remettre à flot un outil économique stratégique sans retomber dans les excès du passé. Les dettes principales ont été apurées, les prestataires réglés, et les discussions bancaires sont en phase finale. L’objectif désormais est clair : ouverture le 22 décembre 2025, sous bannière locale, avec un modèle viable et soutenable.
“Wadra Bay doit redevenir ce qu’il aurait toujours dû être : un hôtel calédonien, pas un jouet politique”, résume un membre du cabinet de Waneux.
L’anti-Déva assumé
Avec ses cinquante clés contre cent quatre-vingts à Déva, Wadra Bay revendique désormais son rôle d’anti-modèle.
Pas de bétonnage, pas de mégalomanie, pas de charges ingérables : juste du bon sens.
Un tourisme à échelle humaine, fondé sur l’économie réelle et l’emploi local, qui prouve qu’on peut viser l’excellence sans s’endetter pour l’éternité.
En relançant le Wadra Bay, qui ouvrira ses portes le 22 décembre prochain, Mathias Waneux ne se contente pas de rouvrir un hôtel : il tourne la page d’une époque. Celle des illusions de grandeur et des projets vitrines qui n’ont enrichi personne, si ce n’est les lobbyistes qui ont travaillé sur cette gabegie.
















